Retour du Bol d’Or au circuit Paul-Ricard : pour Jacques Bolle il faut « arrêter d’emmerder les Français »

Président de la FFM (Fédération française de motocyclisme) depuis 2008 et membre du bureau de la FIM (Fédération internationale), Jacques Bolle a été pilote professionnel et il a remporté un Grand Prix de vitesse 250cm3. Le Grenoblois est attendu vendredi prochain, au circuit Paul-Ricard, pour le retour du Bol d’Or en Provence après 16 ans d’absence. Nous l’avons rencontré. Et même lorsqu’il paraphrase Georges Pompidou, l’ex-coéquipier de Christian Estrosi dans l’écurie Pernod ne mâche pas ses mots…

Jacques Bolle, président de la Fédération française de motocyclisme depuis 2008. (Photo : CBA)

Jacques Bolle, président de la Fédération française de motocyclisme depuis 2008.

Jacques Bolle, vous interroger en qualité de président de la FFM à la veille de la grande semaine du 79e Bol d’Or, et de son retour de au circuit Paul-Ricard, que vous rejoindrez le vendredi 18 septembre, n’efface pas le fait que vous ayez été pilote professionnel en Grands Prix 125 et 250 ainsi qu’en endurance. Doit-on considérer que votre passé soit un atout parmi d’autres dans l’exercice de vos fonctions ?

Jacques Bolle : « Bien entendu, avoir été sportif de haut niveau dans le sport que vous dirigez est un plus, mais pas autant que certains peuvent le penser. Pour moi, il est préférable d’avoir un bon gestionnaire à la tête d’une fédération, même s’il n’ a pas pratiqué, plutôt qu’un ancien champion qui ne sait pas gérer… Le Master 2 (ndlr : DESS) de Droit du Sport, que j’ai obtenu il y a une vingtaine d’années, m’est franchement beaucoup plus utile au quotidien que mes podiums en Grands Prix (ndlr : M. Bolle est chargé d’enseignement en Droit du sport à l’Université Paris-Est de Marne-La Vallée). »

« 80% des hommes de moins de 35 ans sont favorables aux sports mécaniques »

Différents sondages auprès des Français ont rappelé l’intérêt qu’ils portaient aux sports mécaniques, automobile et motocycliste en particulier. Quels sont les principaux points qui ont retenu votre attention ?

J.B. : « En effet, avec la FFSA  (ndlr : Fédération française du sport automobile) nous avions fait effectuer un sondage par Ipsos sur la relation des Français avec les sports mécaniques. Il en ressortait notamment que ceux-ci  jouissent d’une bonne image auprès de la majorité des Français. Ce sont principalement les hommes et les jeunes qui sont concernés : 80% des hommes de moins de 35 ans sont favorables aux sports mécaniques.

« Il faut noter également que deux Français sur trois sont opposés à la disparition des sports mécaniques pour des raisons écologiques. »

« Les positions extrémistes de associations écologistes et l’explosion des coûts d’assurances »

Vous avez plusieurs fois eu l’occasion d’échanger mais aussi de défendre des points communs avec Nicolas Deschaux le président de la FFSA (Fédération française du sport automobile) face aux plus hauts représentants de l’Etat de gouvernements successifs. Quels sont les dossiers où il reste le plus à faire pour les sports automobile et motocycliste ?

J.B. :  « Il y a aujourd’hui deux problématiques importantes pour les  sports mécaniques. La question environnementale est toujours présente, et force est de constater que les associations écologistes ont souvent des positions extrémistes vis-à-vis des sports mécaniques. La Fédération possède un Service Juridique très performant qui rappelle régulièrement aux Préfets qu’elle est la réalité du droit en la matière.

« La deuxième difficulté que nous rencontrons concerne l’assurance en responsabilité civile de notre sport : la jurisprudence évolue vers une systématisation de l’indemnisation, même si aucune faute n’est à reprocher à l’organisateur. Cela conduit à l’explosion des coûts d’assurances qui, à terme, ne seront plus supportables. »

« Près de 100 000 licenciés et régulièrement sur le podium au classement des nations »

Le départ du dernier Bol d'Or disputé sur le circuit Paul-Ricard, en 1999.

Le départ du dernier Bol d’Or disputé sur le circuit Paul-Ricard, en 1999.

La FFM veille sur toutes les disciplines du sport moto, combien y en a-t-il exactement et cela représente annuellement combien de manifestations ? Que sont vos licenciés, jeunes ici et plus âgés là, citadins ici et campagnards là, combien sont-ils au total entre les licenciés à l’année et ceux à la journée ?

J.B. : « Nous gérons sept disciplines dont quatre de haut niveau selon les critères du Ministère des Sports, la vitesse, le motocross, l’enduro et le trial. La Fédération compte aujourd’hui près de 100 000 licenciés, licences et titres de pratiques délivrés.

« La  moyenne d’âge des licenciés compétition est aujourd’hui de 31 ans, en revanche elle se rapproche des 40 ans pour les licences non-compétitives. »

Le sport motocycliste français continue de briller au niveau international. Quels en sont les porte-drapeaux actuels, et en cette saison 2015 ?

J.B. : « En effet, selon le ranking effectué sur la base des paramètres de classement définis par le ministère des Sports, la FFM est régulièrement première ou deuxième au classement des nations. Nous sommes quasiment chaque année champions du monde en enduro et en motocross.

« La vitesse, qui fut un moment un peu en retrait, nous a apporté l’an passé un titre de champion du monde en Superbike, régulièrement des titres en endurance et, vraisemblablement cette année un titre en Moto2. »

« Nous intervenons régulièrement avec la FFMC au ministère des Transports »

La FFM n’a pas seulement en charge les disciplines sportives,  la sécurité routière est aussi de votre compétence. Quels sont vos chantiers actuels ?

J.B. : « Assurément, et avec nos collègues de la FFMC (Fédération française des motards en colère) nous intervenons régulièrement au ministère des Transports sur la thématique des deux-roues motorisés.

« Actuellement, nous travaillons notamment sur l’amélioration des équipements de protection du motard, entre autres les airbags, sur l’amélioration de leur visibilité, ainsi que sur les infrastructures routières. Et j’ai également récemment rencontré le Délégué Interministériel pour évoquer avec lui la problématique du rétrofit (ndlr : le réaménagement). »

« Le circuit Paul-Ricard fait partie du patrimoine des sports mécaniques français »

Jehan d'Orgeix, le Britannique Terry Rymer et Christian Lavieille (Suzuki), les vainqueurs du dernier Bol d'Or disputé au circuit Paul-Ricard, en 1999.

Jehan d’Orgeix, le Britannique Terry Rymer et Christian Lavieille (Suzuki), les vainqueurs du dernier Bol d’Or disputé au circuit Paul-Ricard, en 1999.

Que signifie pour vous le retour du Bol d’Or au circuit Paul-Ricard. Et gardez-vous de ce lieu des souvenirs particuliers ?

J.B. : « Le circuit Paul Ricard fait partie du patrimoine des sports mécaniques français, et il était navrant de constater que depuis quinze ans plus aucune grande compétition moto n’y était organisée. Le retour du Bol d’Or en Provence est donc une très bonne nouvelle, d’autant que nombreux sont ceux qui gardent un souvenir ému de l’époque des 22 éditions qui se sont déroulées à partir de 1978 au Castellet.

« J’ai participé à quatre éditions en tant que pilote ; je me souviens particulièrement de celle de 1982 où nous étions en bagarre pour la victoire avant de casser à quelques heures de l‘arrivée. »

« Le gouvernement devrait abandonner sa politique strictement comptable »

Si vous aviez le pouvoir politique d’agir immédiatement pour les motocyclistes et en faveur de la pratique de la moto, que feriez-vous à court terme et quels sont les dossiers que vous imposeriez afin de les voir étudiés et développés pour l’avenir ?

J.B. : « Je crois que le gouvernement devrait abandonner sa politique strictement comptable en matière de motocyclisme et notamment de sécurité routière. Parce que la moto est un choix de vie lié aux loisirs ou aux contraintes de transport.

« Nul ne conteste que faire de l’alpinisme est plus dangereux que de la randonnée, pourtant personne n’envisage de mettre des freins à la pratique de cette activité ! Il faut donc laisser les Français choisir leur mode de vie et « arrêter de les emmerder » comme le disait, il y a déjà fort longtemps, le futur Président Georges Pompidou. »

Notre confrère France Inter relate d’ailleurs ainsi ces propos sur le site FranceInter.fr : « Un soir de 1966, Pompidou était alors Premier ministre… Un chargé de mission à Matignon du nom de Jacques Chirac, présente à son patron une pile de décrets à signer. Colère de Pompidou, rapportée par Chirac : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français. Il y a beaucoup trop de lois, trop de règlements dans ce pays ».

Hélas, depuis un demi-siècle, sous l’impulsion des différents gouvernements de droite comme de gauche qui se sont succédés, le nombre de textes en vigueur a plus que doublé.

Ainsi va la France, chaque jour un peu plus autophobe et motophobe, sous le joug d’associations dont il conviendrait de savoir pourquoi elles sont largement subventionnées alors qu’elles ne représentent rien ou si peu, tout au plus quelques excité(e)s dont l’art majeur est d’être contre tout ce qui est pour !

Dès 1978, lors de la première vie du Bol d'Or sur le circuit Paul-Ricard et de l'avènement du Bol d'Argent - remporté par une 1000 Honda CBX -, il y avait déjà de grandes gueules à RMC... (Photo : Gérard Délio - Photopress)

Dès 1978, lors de la première vie du Bol d’Or sur le circuit Paul-Ricard, qui allait durer 22 ans, et de l’avènement du Bol d’Argent remporté par une 1000 Honda CBX, il y avait déjà de grandes gueules à RMC… (Photo : Gérard Délio – Photopress)

Lire aussi l’interview de Bernard Garcia.

Charles-Bernard ADREANI

Photos : Raymond PAPANTI, Bol d’Or-Moto Revue, Photopress, CBA.

Diaporama : les essais pré-Bol d’Or 2015 sur le circuit Paul-Ricard
dans le viseur de Raymond PAPANTI