Alpine : passé, présent et futur.

Alpine. Un nom, une histoire qui s’apprête à connaitre une suite (heureuse). Renault, par l’intermédiaire de Bernard Ollivier, nous a parlé du futur retour au premier plan de la marque. En attendant, Jean Ragnotti est le trait d’union parfait entre ces deux époques. J’ai eu le plaisir, que dis-je, le bonheur, la joie, de prendre place à côté de ce Monsieur du Sport Automobile pour une descente du Turini. En route.

Future Alpine 9

Hier

Future Alpine 2Loin de moi l’idée de retracer l’histoire d’Alpine. Vous trouverez en bas de cet article le « copier / coller  » (hou, c’est pas bien !) du dossier de presse pour les plus accros à la marque. Voici les données qu’il faut connaître pour briller un peu ! On commence par Jean Rédélé qui est le fondateur d’Alpine. Il est le fils aîné de Madeleine Prieur et d’Emile Rédélé, concessionnaire Renault à Dieppe et ancien mécanicien de Ferenc Szisz, le premier « pilote d’usine » de Renault Frères, vainqueur du Grand-Prix de la Sarthe en 1906 au Mans et second au Grand-Prix de l’ACF à Dieppe en 1907. Voilà qui commençait bien !

Dès 1950, il décide d’engager sa 4 CV personnelle au XXème Rallye Monte-Carlo mais la neige le retarde et il arrive hors délai. S’en suivra toute une épopée avec cette voiture qui lui donnera un sérieux palmarès. C’est en parcourant les Alpes à bord de sa 4 CV qu’il a décidé d’appeler mes futures voitures « Alpine ». Voilà pour l’origine du nom de la future marque qui naitra de l’envie de Jean Rédélé de conduire une voiture plus performante.

La philosophie est simple : une auto d’une conception innovante, équipée d’une mécanique simple mais compétitive, sous une carrosserie légère et attrayante, en utilisant un maximum de pièces de série pour pouvoir obtenir un prix de revient et un coût d’entretien faibles eu égard aux performances.  Nous verrons plus bas que cette vision de la voiture de sport perdurera avec la nouvelle Alpine. La SARL « Société des Automobiles Alpine » est créée le 25 juin 1955 et, début juillet, Jean Rédélé présente lui-même trois coachs A106 (A comme Alpine et 106 par référence à la mécanique 1062 des 4 CV, qui lui sert de banque d’organes). Suivront tout une série de modèles et le succès total arrive avec la berlinette A110 et l’A310 présenté à Genève en 1971. L’aventure prendra fin en 1995 avec l’A610…

Aujourd’hui

Il est environ 15 heures quand Jean Ragnotti, après avoir dédicacé le capot Future Alpine 13d’une Subaru (!), prend place à bord de notre Alpine Groupe IV et m’annonce que « la route est sèche mais les pneus sont prévus pour la neige, ça va glisser un peu… » Voilà une très bonne nouvelle ! Il n’y a pas assez de place pour loger le sac à dos (c’est vous dire si l’Alpine est petite) et, toujours aussi gentil et souriant, notre « Jeannot » national s’attache et démarre en trombe pour 15 minutes de pilotage niveau XXXXXL.

« Tu vois, les pneus ne sont pas adaptés et je place l’auto avec un petit appel et un contre appel qui permettent d’enrouler les épingles.  Je ne freine pas trop fort pour ne pas saturer le train avant » m’explique-t-il à l’arrivée « c’est très simple et c’est moi qui décide de placer la voiture comme je le souhaite ». Oui, Jean, c’est très simple… à dire ! Quand on constate que la voiture est placée au millimètre, qu’elle enroule la corde avec son nez qui vient embrasser la neige et qu’elle ressort sans un à-coups en flirtant avec le mur extérieur, sans que, à aucun moment le pilote ne panique, on comprend que c’est un métier !

Future Alpine 10Les passages rapides sont impressionnants ! C’est simple « il suffit de rester à fond » précise Jean Ragnotti. Oui, Jean… à conditions d’avoir confiance en sa monture et en soi !

Le sac de sable est admiratif et profite d’un moment qui restera gravé dans la mémoire du passionné que je suis. A 18 ans, je venais voir passer le « Monte ». Il y a deux ans, je l’ai fait avec les ouvreurs de Richard Frau (voir ici) et cette fois me voici en situation de « course ».

Jean Ragnotti est un magnifique trait d’union entre les Alpine d’hier et celles de demain. Il a piloté des Alpine  en rallyes, rallycross ou endurance (24h du Mans). Il continue avec le même enthousiasme à disputer des épreuves de VHC au volant d’une Alpine A110 groupe IV ou Le Mans Classic à bord de l’A442-B ou de l’A443. Et à voir le succès populaire que Jean Ragnotti rencontre, il fait un bien fou à la marque.

Demain

Patron de la société des automobiles Alpine-Catheram, Bernard Ollivier estime qu’uneFuture Alpine 3 Alpine « et sera toujours le plaisir de conduite. Une berlinette est faite pour procurer du plaisir. On ne cherche pas la performance. Le plaisir est une chose assez égoïste  : pour certains c’est en conduisant, pour d’autre en pilotant. Il s’agit d’être et pas de paraître. On n’est pas là pour montrer que l’on a réussi.  » Pour arriver à cela, la recette est simple et basée sur le rapport poids/puissance. En 1971, un Berlinette, en compétition, faisait 150 chevaux et a battu les Datsun qui faisaient plus de 200 chevaux.

L’engouement du public pour Alpine est réel. Le retour d’Alpine est attendu. Avec un objectif de 3 000 voitures par an pour une durée de vie du produit de 7 ans, la marque ambitionne de vendre presque autant que voiture que dans toute son histoire à ce jour (30 000 exemplaires). « Nous voulons créer une marque » et on peut donc s’attendre à la naissance d’une gamme « si la première Alpine est un succès » précise Bernard Olivier qui exclu à ce stade la renaissance d’une R5 Alpine sous forme d’une Clio par exemple car « ce modèle ne porte pas les mêmes valeur que celle d’Alpine« .

Enfin, la course étant dans « l’ADN de la marque, nous réfléchissions à un retour à la compétition« …

PS / La future Alpine ne ressemblera pas du tout à l’Alpine A110-50 sur base de concept-car DeZir présenté l’an dernier car elle correspond pas à la philosophie de la marque.

 L’histoire d’Alpine (Source : Renault)

INTRODUCTION

 Quelques marques automobiles sont immortelles quelles que soient leurs vicissitudes. On pense bien sûr à Rolls-Royce ou Bugatti, mais aussi à Aston Martin ou Maserati. Alpine fait partie de celles là. Depuis près de soixante ans, soit pour trois générations d’automobilistes, rouler en Alpine est un bonheur intense et rare. Ceux qui l’ont vécu s’en souviennent. Ceux qui en profitent encore aiment le faire partager. Les autres en rêvent.

Alpine c’est l’histoire d’une marque, mais c’est aussi une histoire d’hommes avant d’être, demain, l’histoire d’un renouveau.

SOMMAIRE

  1. I.              UNE FAMILLE « RENAULT »
  2. II.            JEAN RÉDÉLÉ, CHAMPION DE COURSE AUTOMOBILE
  3. III.           LA CREATION D’ALPINE
  4. IV.           D’ALPINE À ALPINE-RENAULT
  5. V.            UNE POLITIQUE INNOVANTE À L’EXPORTATION
  6. VI.           LA COMPÉTITION : DOMAINE RÉSERVÉ D’ALPINE
  7. VII.         ALPINE : UNE HISTOIRE D’HOMMES
  8. VIII.        LA PRODUCTION ALPINE EN CHIFFRES
  9. IX.           QUELQUES TITRES REMPORTÉS PAR ALPINE

 I. UNE FAMILLE « RENAULT »

Jean Rédélé est le fils aîné de Madeleine Prieur et d’Emile Rédélé, concessionnaire Renault à Dieppe et ancien mécanicien de Ferenc Szisz, le premier « pilote d’usine » de Renault Frères, vainqueur du Grand-Prix de la Sarthe en 1906 au Mans et second au Grand-Prix de l’ACF à Dieppe en 1907.

Emile Rédélé avait été embauché par Louis Renault lui-même au tout début du XXème siècle. Son fils Jean a toujours gardé dans son bureau chez lui, une petite toile commémorant les exploits de Szisz sur la grosse Renault de treize litres de cylindrée, assisté par son père.

À l’issue de la Première Guerre Mondiale, à la demande de Louis Renault, le jeune Emile Rédélé s’installe à Dieppe et y ouvre la concession Renault, rue Thiers. Il épouse Madeleine Prieur. Deux ans plus tard, nait Jean-Emile-Amédée Rédélé, le 17 mai 1922. Le couple aura deux autres garçons, Pierre en 1924 et Claude en 1931. La famille est, en réalité, plus importante car Emile Rédélé a recueilli la famille de son épouse et, désormais, la fratrie des cousins Jacques et Roger Prieur est quasi indissociable de celle des trois frères Rédélé.

Après de bonnes études en Normandie, Jean Rédélé passe son Baccalauréat pendant la Seconde Guerre Mondiale et fait la rencontre de personnages aussi différents qu’Antoine Blondin, Gérard Philipe ou Edmond de Rothschild. Il se destine à être Sous-préfet avant de bifurquer dans son orientation et d’intégrer HEC à Paris. Il va y acquérir une double compétence économique et commerciale et en sort diplômé en octobre 1946, non sans avoir envoyé un rapport de stage à la Direction Générale de Renault. Jean Rédélé y affirme quelques points de vue novateurs sur la stratégie commerciale du Premier constructeur national avec suffisamment de conviction pour qu’il se fasse convoquer à Boulogne-Billancourt par Pierre Dreyfus, le PDG de Renault… Pour l’aider à mettre ses idées en action, il est nommé Concessionnaire officiel à Dieppe en succession à son père.

Jean Rédélé a vingt-quatre ans et est, dès lors, le plus jeune concessionnaire automobile de France.

Il se lance dans la compétition automobile dès 1950, estimant que « la course est le meilleur banc d’essai pour les modèles de série et que la victoire est le meilleur argument de vente ». C’est naturellement la toute nouvelle 4 CV Renault qu’il choisit comme moyen promotionnel.

II. JEAN RÉDÉLÉ, CHAMPION DE COURSE AUTOMOBILE

Dès janvier 1950, Jean Rédélé engage sa 4 CV personnelle au XXème Rallye Monte-Carlo. Il est copiloté par Marcel Delforge, le chef d’atelier de la concession dieppoise mais la neige les retarde et ils arrivent hors délai.

Le 24 juillet, il s’engage dans sa seconde compétition. Symboliquement le challenge est élevé puisqu’il s’agit du « 1er Rallye de Dieppe ». Sur ses terres et face à quarante autres concurrents, il impose sa 4 CV à la première place devant les 203 Peugeot et autres Salmson plus puissantes.

Cette victoire est saluée par la Presse et la Régie Renault qui lui propose, dès 1951, de courir le XXIème Rallye Monte-Carlo sur une « 1063 », la version « spéciale course » de la 4 CV. Il termine quatrième de classe, puis second au 2ème du Rallye de Dieppe. Sa carrière de pilote est lancée. Premier au 1er Rallye de Dax, cinquième au Rallye du Dauphiné, troisième au terrifiant Marathon de la Route qui se déroule entre Liège, Rome et Liège, troisième encore au Tour de France Automobile, il termine sa saison en remportant le Tour de Belgique.

Après avoir analysé le comportement de la 4 CV, Jean Rédélé estime qu’elle serait imbattable si la caisse était plus légère et mieux profilée. Il se rend donc en Italie pour rencontrer le styliste Giovanni Michelotti et lui passe commande d’une « 4 CV Spéciale Sport » qui sera réalisée par la carrosserie Allemano. En attendant que l’auto soit livrée, il s’engage sur la « 4 CV 1063 » dans trois épreuves majeures du calendrier sportif international.

Il fait désormais équipe avec son ami Louis Pons, concessionnaire Renault à Paris et Etampes, ville dont il est le maire adjoint. Les deux hommes décident de financer le développement et la commercialisation d’une boite de vitesses à cinq rapports, créée par André-Georges Claude et qui s’avère être très efficace. Ensemble, ils participent aux très exigeantes « Mille Miglia », une course de mille cinq cents kilomètres disputée sur route ouverte, en continu, entre Brescia, Rome et Brescia, en Italie. Ils gagnent leur catégorie en battant tous les records, laissant leurs poursuivants à plus d’une heure derrière eux à l’arrivée.

Engagé officiellement par Renault aux 24 Heures du Mans 1952, Rédélé sur sa 4 CV est en tête de catégorie le dimanche à treize heures soit deux heures avant l’arrivée quand il doit abandonner. Il prend sa revanche au Tour de France Automobile où il termine troisième au classement général, un exploit compte tenu de la relative modestie de sa voiture. En 1953, Rédélé et Pons gagnent leur classe aux « Mille Miglia », toujours sur 4 CV 1063 mais Jean Rédélé piaffe d’impatience de piloter la « Renault Spéciale » commandée en Italie. Symboliquement, il attend le 4ème Rallye de Dieppe pour l’engager. Dès sa première sortie, Rédélé gagne le classement général avec sa « Renault Spéciale ». Il devance deux Jaguar et une Porsche.

Le Dieppois double la mise sur le circuit de Rouen lors du meeting de vitesse. En juillet, pour sa troisième sortie, la « Renault Spéciale » de Jean Rédélé s’impose à la Coupe de Lisbonne au Portugal. Pour conclure l’année en beauté, Rédélé et Pons font le Tour de France Automobile et terminent troisièmes au classement général derrière deux Alfa-Roméo. L’année 1952 est triomphale pour le jeune concessionnaire. En fin d’année, Jean Rédélé épouse Michelle Escoffier dont le père est l’un des plus importants concessionnaires Renault avec notamment le Grand Garage de la Place de Clichy, situé rue Forest, vaisseau amiral de Charles Escoffier.

En 1954, Rédélé et Pons s’imposent aux « Mille Miglia » qui deviennent leur épreuve fétiche, puis au Critérium des Alpes. « C’est en sillonnant les Alpes à bord de ma 4 CV Renault que je me suis le plus amusé. J’ai donc décidé d’appeler mes futures voitures « Alpine ». Il fallait que mes clients retrouvent ce plaisir de conduire au volant de la voiture que je voulais construire » rapportait Jean Rédélé. Ils complètent leur saison par la victoire au Liège-Rome-Liège, comme l’an passé, et une seconde place au Tour de France comme l’an passé également. À l’issue d’une saison 1954 aussi prodigieuse que celle de 1953, Jean Rédélé est désormais considéré comme un grand pilote, compliment qui lui va droit au cœur même si, dans son for intérieur, il sait qu’il va bientôt devoir choisir entre piloter ses autos ou piloter son entreprise.

Charles Escoffier a, en effet, commandité une série de « Coach » A106 alors que Jean Rédélé va recevoir sa « Rédélé Spéciale », seconde voiture produite expressément pour lui en Italie. Ne pouvant développer seul celle-ci, il la cède à son ami Jean-Claude Galtier, autre jeune concessionnaire Renault, basé à Grenoble, et court, lui, avec le coach. L’un et l’autre brillent : Galtier gagne les « Mille Miglia » sur « Rédélé Spéciale » alors que Rédélé termine second sur son « Coach » ! Ce doublé décide Jean Rédélé à créer sa marque : elle s’appellera « Alpine » et sera basée à la fois à Paris, rue Forest et à Dieppe, avenue Pasteur.

III. LA CREATION D’ALPINE

Jean Rédélé a vite perçu le potentiel d’une marque automobile, qu’il veut construire sur des principes de base simples : une auto d’une conception innovante, équipée d’une mécanique simple mais compétitive, sous une carrosserie légère et attrayante, en utilisant un maximum de pièces de série pour pouvoir obtenir un prix de revient et un coût d’entretien faibles eu égard aux performances.

Le second principe développé par Jean Rédélé est de « booster » son activité nationale par la cession de licences à l’international.

Les « Renault Spéciale » et « Rédélé Spéciale » sont construites sur une plateforme de 4 CV avec une carrosserie en polyester et quelques aménagements à tendance sportive. Jean Rédélé va immédiatement chercher à les faire produire à l’étranger et la première tentative sera américaine. Lancée sous le nom de « Le Marquis », elle est exposée au Salon de l’Automobile de New-York 1954 mais l’affaire n’ira pas plus loin.

En parallèle, le coach financé par son beau père Charles Escoffier devient la première Alpine diffusée par le gendre, Jean Rédélé.

La SARL « Société des Automobiles Alpine » est créée le 25 juin 1955 et, début juillet, Jean Rédélé présente lui-même trois coachs A106 (A comme Alpine et 106 par référence à la mécanique 1062 des 4 CV, qui lui sert de banque d’organes). Le premier est bleu, le second est blanc, le troisième est rouge. Tout est dit. « Une auto française pour faire briller les couleurs tricolores sur les routes et dans les compétitions ». Pierre Dreyfus, le PDG et Fernand Picard, le Directeur des Etudes et Recherches de la Régie sont convaincus. Le 6 octobre 1955, Jean Rédélé lance officiellement sa marque et ses voitures à l’occasion du 42ème Salon de l’Automobile de Paris. Elles y côtoient l' »Etoile Filante », la voiture conçue par les ingénieurs de Renault et Turbomeca qui vient de battre le record du monde de vitesse pour voiture turbine en atteignant 308 km/h sur le Lac Salé aux U.S.A.

La « Société RDL », créée par Jean Rédélé et basée à Dieppe, a passé commande d’un cabriolet à Giovanni Michelotti et le reçoit début 1957. Le style de ce cabriolet aux lignes pures et simples va marquer définitivement Alpine. Sa production restera confidentielle mais elle inspirera Jean Rédélé quelques années plus tard lorsqu’il concevra la mythique berlinette.

En 1958, l’A106 évolue en A108. D’abord avec l’ancienne plateforme et ensuite, à partir de 1960, avec le châssis poutre, une réelle innovation, véritable secret de l’agilité des Alpine. Notons que, parallèlement, Colin Chapman, l’ingénieur créateur de Lotus lance la Lotus « Elan » qui a le même type de châssis poutre. Auparavant, il avait conçu la « 7 » dont la Caterham est issue.

C’est Roger Prieur, le cousin de Jean Rédélé qui est chargé de la fabrication de cette auto dans les locaux de l’avenue Pasteur à Dieppe, juste derrière la concession Renault de la rue Thiers, dirigée par Jacques Prieur, l’autre cousin de Jean Rédélé. Ici, l’esprit de famille domine et le recrutement des ouvriers se fait par cooptation.

Après deux cent cinquante et une autos produites, le coach, puis le coupé cèdent leurs places au cabriolet et à la berlinette.

Le mythe est en train de naitre.

Les premiers clients sportifs ont réalisé de belles performances (Feret, Greder, Vinatier…) et la marque commence à être reconnue y compris par certaines vedettes (Isabelle Aubret, El Cordobes, Jean-Pierre Marielle…). Equipée d’un moteur de Dauphine Renault, l’A108 va rapidement donner naissance à l’A110 qui bénéficie de la Renault 8 comme banque d’organes. Elle profite de cette amélioration notable pour être légèrement redessinée dans sa partie arrière.

Avec l’A110, le succès commercial est atteint. Les locaux de l’avenue Pasteur qui tiennent plus de l’atelier que de l’usine sont une véritable ruche où Etienne Desjardins, le Directeur Administratif doit faire appliquer les relevés de comptabilité analytique bien vite contrarié par Roger Prieur qui doit produire les voitures commandées par une clientèle de plus en plus nombreuse et par Gilbert Harivel, responsable de la nouvelle « Équipe Compétition » qui doit construire et préparer les autos de rallye d’abord, puis de circuit d’endurance (prototypes) et enfin de vitesse (monoplaces). Par un miracle que seul l’enthousiasme permet d’expliquer, tout se passe bien : la production des A110 est en constante progression, les victoires en rallye s’accumulent, les succès des Prototypes au Mans rendent Alpine célèbre (« Le litre d’essence le plus vite du monde ») et Henri Grandsire, champion de France F3 sur Alpine, incarne Michel Vaillant à la télévision où il pilote des Alpine-Vaillant !

Jean Rédélé crée une nouvelle antenne parisienne en ouvrant une concession Renault 3 boulevard Foch à Epinay sur Seine où il installe la direction commerciale d’Alpine. L’A110 évolue régulièrement. D’abord avec un moteur 1 108 cm3, puis 1 255 cm3, puis 1 565 cm3, puis 1 605 cm3. Esthétiquement, les modifications sont mineures mais nombreuses : calandre quatre phares, ailes élargies, radiateur avant, poussoirs de porte, jupe arrière démontable etc… jusqu’en 1977, dernière année de production (1600 SX avec un moteur de 1647 cm3).

La berlinette aura été produite à environ 7 500 exemplaires et aura brillé sur tous les « terrains de jeux » où elle était engagée (rallye, circuit, rallycross, course de côte, course sur glace etc…).

IV.  D’ALPINE À ALPINE RENAULT

Le succès grandissant d’Alpine porté par la berlinette A110 oblige Jean Rédélé à créer une seconde unité de production à Thiron-Gardais (Eure et Loir).

Cette usine est le fruit d’un accord signé entre Jean Rédélé et Philippe Lamirault, le Directeur Commercial Europe de Renault, celui-ci étant également Maire de cette petite bourgade d’Eure et Loir.

Jean Rédélé est confronté à un accroissement des commandes de berlinettes que l’atelier de l’avenue Pasteur ne peut satisfaire, et Philippe Lamirault souhaite industrialiser sa ville rurale. L’usine de Thiron-Gardais va donc produire des châssis et caisses assemblées, peintes et garnies d’A110 qui sont ensuite transférées à Dieppe par camion pour y recevoir leur mécanique. Animée par un collaborateur dieppois, Daniel Vue, cette unité sera opérationnelle jusqu’à son rachat par Renault qui la dédiera à « Bernard Moteurs », la filiale motoculture de la Régie.

En parallèle à cet accroissement de capacité industrielle, Jean Rédélé a imaginé une toute nouvelle auto : l’A310, présentée au Salon de Genève 1971. Cette voiture, dessinée par Jean Rédélé lui-même avec l’assistance d’Yves Legal (Alpine) et de Michel Beligond (Renault) a pour vocation d’asseoir la marque dans le domaine des voitures de Sport et de Grand Tourisme. Gardant l’empattement traditionnel de 2,27 mètres (comme sur la Porsche 911), cette auto est une réussite d’équilibre esthétique. Pour elle, Jean Rédélé va créer un nouveau site industriel : l’usine de l’avenue de Bréauté.

Moderne, rationnelle et fonctionnelle, elle est pensée en liaison avec le Bureau d’Etudes de « Renault Ingénierie », chargé de la construction des nouvelles usines via la « Seri ».

Mais l’A310 et la nouvelle usine dieppoise vont être victimes de la crise pétrolière de 1973 avec pour conséquence une baisse sensible des volumes de vente.

L’A310 va pourtant évoluer régulièrement et trouver son marché. Après le quatre cylindres 1 605 cm3 de 140 CV en 1971, elle dispose de l’injection dès 1974 puis, à partir de septembre 1976, est dotée du moteur V6 2700 cm3 de 150 CV prélevé sur la Renault 30 TS. En 1981, elle bénéficie du train arrière de la nouvelle Renault 5 Turbo. Après avoir été produite à plus de 11 600 exemplaires (2 340 exemplaires en version quatre cylindres et 9 287 en version six cylindres), elle tire sa révérence et s’efface au profit de la nouvelle GTA en 1985.

Entretemps, la Renault 5 Alpine a été lancée avec succès. Elle sera produite à 56 000 exemplaires en version « atmosphérique » de 1976 à 1980 et à 23 000 exemplaires en version « turbo » de 1981 à 1984.

La nouvelle GTA (Grand Tourisme Alpine) est très innovante dans son procédé de fabrication. Sa carrosserie est la première à être produite en Europe selon un procédé d’injection à haute pression. Grâce à cette technique, la carrosserie en polyester est « collée » au châssis lui procurant ainsi une rigidité exceptionnelle. Outre cette décisive innovation technologique, l’auto est dotée d’un coefficient SCx record qui lui permet d’allier performance et sobriété dans un confort absolu même si elle s’éloigne du concept spartiate de la berlinette pour répondre à celui du Grand Tourisme sportif et rapide. Dotée initialement d’un moteur de 2 849 cm3, qui développe 160 CV, la GTA croise à plus de 230 km/h. Quelques mois plus tard, une version turbo – faisant appel à un compresseur Garrett T3 à échangeur air/air couplé à une injection électronique Renix (conçue conjointement par Renault et Bendix) – fait son apparition sur le marché. Elle offre 200 chevaux et permet à l’auto, la plus rapide de la production française, d’être qualifiée par la Presse d' »avion de chasse de la route ».

Elle donne naissance à deux rares versions. D’abord l' »Europa Cup » (non homologuée pour la route) destinée à courir en « lever de rideau » des Grand Prix de Formule 1 entre 1985 et 1988 (69 exemplaires). Ensuite, la version « US », à phares rétractables, destinée à être exportée aux U.S.A. dans le cadre des accords commerciaux et industriels avec « American Motors », filiale de Renault aux USA (21 exemplaires).

En 1989, la version « Mille Miles » – hommage aux premières Alpine victorieuses de Jean Rédélé – est proposée en série limitée numérotée (cent exemplaires). Puis, en 1990, la version « Le Mans » – autre hommage aux victoires d’Alpine aux célébrissimes 24 Heures – est proposée avec une mécanique V6 Turbo dépolluée et une carrosserie revue du plus bel effet.

En 1990, l’A610, équipée d’un moteur turbo de 2 963 cm3, est proposée à la clientèle sportive européenne. Excellente routière, elle bénéficie d’un comportement dynamique digne d’éloges et reconnu comme tel par une Presse unanime. Toutefois, elle peine un peu à trouver sa clientèle et malgré la série spéciale « Magny-Cours », très exclusive, elle disparait du catalogue fin 1995 après 818 exemplaires produits, aujourd’hui très recherchés par les amateurs de G.T. performantes.

Jean Rédélé a toujours fait confiance à Renault. Grâce à cette entente, les voitures produites à Dieppe se sont appelées Alpine-Renault dès la fin de 1967, date à laquelle la marque de Jean Rédélé a été chargée de représenter officiellement Renault en compétition.

En parallèle, la Régie fait bénéficier Alpine du contrat de préconisation signé avec Elf ce qui permet de débloquer un budget de compétition complémentaire, tandis que Philippe Lamirault ouvre le réseau des concessionnaires Renault à la diffusion des A110 puis A310.

Les Alpine arborent désormais le losange Renault sur leur capot et les liens économiques sont de plus en plus étroits. Finalement, en 1973, ils sont concrétisés par une prise de participation de Renault à hauteur de 70% dans le capital d’Alpine. Désormais la Nouvelle Société Alpine est gérée sous forme de Société Anonyme avec Directoire et Conseil de Surveillance. Trois personnalités Alpine sont au Directoire : Jacques Thoridnet, Directeur de l’usine de Dieppe, Etienne Desjardins et Jacques Cheinisse alors que Jean Rédélé est invité à siéger au Conseil de Surveillance.

En 1976, Alpine se voit retirer son activité sportive au profit d’une nouvelle entité, Renault Sport, animée par Gérard Larrousse et, deux ans plus tard, le bureau d’études. Alpine de Dieppe devient le Berex (Bureau d’Etudes et de Recherches Expérimentales) dont la Direction est confiée à Georges Douin.

Après l’arrêt de la production de l’A610, l’usine de Dieppe – qui a toujours gardé fièrement le logo Alpine sur ses murs – produira de nombreux modèles sportifs pour le compte de Renault Sport. Après les agiles « Renault 5 Alpine » baptisées affectueusement « planches à roulettes » après leurs superbes prestations lors du Rallye Monte-Carlo 1978, elle produit les terribles « Renault 5 Turbo ».(1 820 exemplaires, de 1980 à 1982, en version « Turbo » avec intérieur spécifique et à 3 292 exemplaires, de 1983 à 1986, en version « Turbo 2 »).

L’usine de Dieppe produira également le Spider de 1996 à 1999 (1 685 exemplaires).

Puis ce sera la saga des Clio R.S., produites à plus de 67 000 exemplaires de 2 000 à nos jours et des Mégane R.S. lancée en 2003 et élue « Sportive de l’Année » en 2007 et 2008 qui seront produites à 22 455 exemplaires.

Sans oublier, la Clio V6 produite en 1 333 exemplaires entre 2002 et 2005 et les différents véhicules de compétition comme Clio Cup (700 ex), Mégane Trophy (13 ex), et les Formules Renault FR 2.0 (112 ex) et FR 3.5 (26 ex).

Aujourd’hui, l’usine Alpine de Dieppe occupe à nouveau une place centrale avec le partenariat annoncé avec Catheram pour concevoir et produire des véhicules sportifs qui seront porteur de l’ADN d’Alpine.

V. UNE POLITIQUE INNOVANTE À L’EXPORTATION

Après une double tentative aux USA puis en Belgique où furent assemblés quelques coachs à Herstal, Jean Rédélé décide de monter d’un cran. Il a compris que l’avenir est à l’internationalisation. Il a conscience que son entreprise, non encore appuyée sur et par la puissante Régie Renault, n’a pas les moyens financiers de créer et développer un réseau export avec des « importateurs officiels ». Plutôt que d’exporter, il va donc proposer un projet industriel à des partenaires. Ses arguments sont simples : les Alpine sont simples à construire même par des personnels non qualifiés, et les autos sont fiables puisque reposant sur des composants mécaniques Renault à large diffusion.

La première cible est brésilienne. Un accord est rapidement trouvé avec Willys Overland do Brazil qui produit déjà des Dauphine sous licence Renault. À partir de 1960, les berlinettes A108, coupé et cabriolet produites sur des outillages dieppois sortiront des ateliers de Sao Paulo sous le nom d’Interlagos, nom du célèbre circuit automobile pauliste. Le contrat durera six ans et permettra de produire plus de mille voitures de sport.

Le second pays visé est l’Espagne. Jean Rédélé – qui a embauché un ingénieur pour mener à bien cette politique de développement externe – prend contact avec la FASA, société automobile qui produit elle aussi des Dauphine sous licence en Espagne. Grâce à la complicité des deux chefs d’entreprises, relayée efficacement par celle des deux chefs de projets, l’un espagnol, l’autre français, les Alpine FASA seront produites à Valladolid de 1964 à 1978 à près de deux mille exemplaires.

Fort de ce double succès, Jean Rédélé va alors démarcher la société mexicaine Dina qui vient elle aussi de passer un contrat avec Renault pour produire des Renault 8. Ainsi, dès 1963, avec l’aide de Jean-Pierre Limondin, le jeune ingénieur évoqué plus haut, des Dinalpin vont être produites dans la banlieue de Mexico. La collaboration cessera en 1971 après sept cents voitures produites.

Une ultime tentative sera mise en place – cette fois sur demande de Renault – avec la Bulgarie. Des Renault 8 sont produites dans l’usine de Plovdiv que Renault détient en partenariat avec l’Etat Bulgare. Certains dirigeants du pays aimeraient une voiture de sport nationale, c’est ainsi qu’est née la Bulgaralpine produite à une cinquantaine d’exemplaires à la fin des années soixante.

Dans chaque pays producteur, les Alpine ont couru et vaincu avec des champions de la trempe d’Emerson Fittipaldi, futur Champion du Monde F1 et vainqueur à Indianapolis pour les Interlagos, Carlos Sainz futur Champion du Monde des rallyes pour la FASA, Ilia Tchubrikov, Champion d’Europe de l’Est pour Bulgaralpine, etc…

Parallèlement à ces fabrications sous licence, une politique d’exportation traditionnelle est mise en place avec l’appui des filiales Renault. C’est ainsi que Renault Allemagne importe de nombreuses A310 et GTA dans un pays qui, pourtant, est riche en véhicules sportifs. La Belgique et la Suisse sont également deux grandes nations importatrices d’Alpine au même titre que la Grande Bretagne, l’Italie et le Japon.

VI. LA COMPÉTITION : DOMAINE RÉSERVÉ D’ALPINE

Alpine est une marque sportive. Elle a la course dans le sang. Toutes ses autos sont typées, tant dans le style que dans le comportement. Cette formidable image a été, bien sûr, écrite sur les routes des rallyes mais les Alpine ont aussi triomphé en prototypes dans les plus grandes courses d’endurance, en commençant par les 24 Heures du Mans, épreuve reine du calendrier. Elles ont aussi été couronnées en monoplace, la discipline la plus exigeante du sport automobile et en rallycross, celle qui exige une solidité à toute épreuve.

En rallye, tout a commencé avec les Coachs A106. Indépendamment de Jean Rédélé, quelques pilotes ont fait triompher cette première Alpine. Dans quelques années, ils formeront le premier contingent de pilotes professionnels. Ils s’appellent Jacques Feret (futur vainqueur du Rallye Monte-Carlo 1958 sur Dauphine, puis Directeur de la Promotion Sportive chez Renault), Henri Greder ou Jean Vinatier. Ce dernier est, à lui seul, un monument du sport automobile. Il été pilote au Bol d’Or 1953 sur une 2 CV barquette, puis après diverses expériences (Salmson, Aston Martin, Alfa Roméo) il fait l’acquisition d’un des premiers coachs Alpine et l’engage en course aux Mille Miles : il a 23 ans et déjà une belle carrière derrière lui. Celle-ci va s’accélérer avec les DB Panhard puis René Bonnet et Abarth avant de se voir confier des Alpine par Jean Rédélé dès 1964 : Prototype aux 24 Heures du Mans, monoplace de Formule 2 Alpine Gordini et évidemment berlinette en Rallye. En parallèle, il court pour la Régie Renault où il est aussi pilote officiel. D’ailleurs en cette même année 1964, il signe sa première grande victoire avec une Renault 8 1100 Gordini lors du Tour de Corse. Méticuleux, organisé, intelligent, respectueux de la mécanique, il est endurant et rapide et remporte de nombreux succès. Sa plus grande fierté est d’avoir gagné une Coupe d’or à la Coupe des Alpes. Seuls les anglais Appleyard et Stirling Moss peuvent se targuer de posséder un tel trophée. Après avoir piloté l’Alpine A220 3 litres au Mans, il est Champion de France des Rallyes en 1969 sur berlinette. Puis ce sera une carrière de Directeur Sportif d’abord chez Ford puis chez Fiat Abarth avant d’être en charge d’importantes fonctions à la Fédération Française de Sport Automobile.

L’arrivée de l’A110 sur les routes de rallye va ouvrir la carrière à d’autres pilotes. Citons Gérard Larrousse qui aurait dû gagner le Rallye Monte-Carlo 1968 s’il n’avait pas été surpris par une plaque de neige déposée par des spectateurs en mal d’émotions. Plus tard, Larrousse pilotera des Prototypes Alpine avant d’être Directeur de l’Ecurie F1 Renault.

Mais c’est surtout l’équipe des « Mousquetaires » créée par Jacques Cheinisse, le Directeur sportif de la marque, qui a marqué les esprits. Composée du funambule Jean-Luc Thérier, du perfectionniste Bernard Darniche, du solide Jean-Pierre Nicolas et du génial Jean-Claude Andruet, l’équipe avait fière allure. Elle était renforcée ponctuellement par quelques pilotes de talent tel qu’Ove Anderson qui a d’ailleurs apporté la victoire à Alpine lors du Rallye Monte-Carlo 1971.

Cette année 1971 sera celle du triomphe au Championnat International des Rallyes, sorte de Championnat du Monde avant l’heure. Elle succède à l’année 1970 où Jean-Claude Andruet a coiffé la couronne de Champion d’Europe des Rallyes. Cet excellent pilote avait déjà remporté le titre de Champion de France des Rallyes en 1968, Jean Vinatier lui a succédé en 1969 avant que l’ineffable Jean-Claude ne reprenne son titre en 1970. En 1971, c’est au tour de Jean-Pierre Nicolas et en 1972, c’est Bernard Darniche qui est couronné. Le quatrième mousquetaire, Jean-Luc Thérier est enfin Champion de France mais plus exceptionnel encore, c’est un pilote privé qui prend le relais et coiffe la couronne deux années de suite, en 1974 et 1975. Il s’appelle Jacques Henry et entretient lui-même ses autos dans son petit garage de Lure !

Pendant huit ans, la berlinette a été sur la plus haute marche du podium et en particulier pendant cette exceptionnelle saison 1973 où, malgré un budget très limité par rapport aux autres concurrents, Alpine n’a pas hésité à chasser le titre de Champion du Monde des Rallyes, le graal absolu.

Et pour commencer, l’équipe bleue fait un véritable « strike » en enlevant cinq des six premières places du très difficile Rallye Monte-Carlo. Mieux même, les berlinettes assurent le triplé avec, dans l’ordre Andruet, Anderson et Nicolas, Thérier et Piot prenant les cinquième et sixième places !

« Biche », la coéquipière de Jean-Claude Andruet avouera « Jamais je n’ai été aussi vite en rallye».

Cette année là, une autre performance est à mettre à l’actif de Jean-Luc Thérier : terminer troisième du Rallye de Suède, véritable chasse gardée des pilotes scandinaves. Nouveau doublé au Rallye du Portugal avec Thérier et Nicolas puis victoire de Darniche au Rallye du Maroc que, pourtant, il découvrait. En Grèce, sur les cailloux et sous le soleil, Thérier s’impose dans le Rallye de l’Acropole. En Autriche, une polémique prive Darniche de la victoire alors que Thérier est victorieux en Italie dans le Rallye de San Remo. L’apothéose est atteinte en Corse où, comme pour la première manche de ce premier Championnat du Monde des Rallyes, les Alpine-Renault s’offrent le triplé : Nicolas devant Piot et Thérier.

Au classement final, Alpine-Renault écrase la concurrence : 155 points devant Fiat Abarth, 81 points, et Ford, 76 points.

Très nombreux on été les pilotes privés qui ont fait également triompher les berlinettes Alpine Renault au cours de ces années magiques : les Normands Maurice Nusbaumer et Joseph Bourdon, les corses Jean-Pierre Manzagol et Pierre Orsini, les grenoblois Bruno Saby et Bob Neyret, Jean-Marie Jacquemin, le Belge et tous les autres connus ou pas, sponsorisés ou simples amateurs, ils sont tellement nombreux qu’un livre ne suffirait pas…

Quand l’A310 a pris la succession de l’A110, elle a été, elle aussi, baptisée « à la course ». Jean-Pierre Nicolas, Jean-Luc Thérier et l’inénarrable Jean Ragnotti l’ont fait triompher avec le moteur 4 cylindres Gordini avant que Guy Fréquelin ne l’impose au Championnat de France des Rallyes en 1977 avec le moteur V6. Seule l’arrivée de la redoutable Renault 5 Turbo – produite elle aussi à Dieppe -mettra fin à cette impressionnante saga.

Côté Prototypes, les Alpine ont commencé aux 24 Heures du Mans 1963 sous la direction de José Rosinski.

Ici encore, Alpine fait preuve d’originalité en visant les « indices de performance » et les « indices de rendement énergétique » plutôt que la victoire absolue. Avec leurs petits moteurs Gordini de 1000 ou 1300 cm3, elle vont s’imposer dans ces classements grâce à leur aérodynamisme en particulier. Dès 1964, Henry Morrogh et Roger Delageneste imposent leur M64 1149 cm3.

En 1966, seconde victoire à l’indice énergétique avec l’A210 de Cheinisse-Delageneste et surtout tir groupé puisque les quatre prototypes Alpine à l’arrivée ont parcouru plus de quatre mille kilomètres ce qu’aucune voiture française n’avait réalisé auparavant ni ici, ni ailleurs.

En 1968, Alpine présente une A220 équipée d’un moteur Gordini V8 de trois litres de cylindrée. Des phénomènes de vibration mettent à mal la fiabilité et après un nouvel échec en 1969, le programme Prototype est mis en sommeil. Il est relancé en 1973 avec l’A440 V6 deux litres et termine en apothéose avec la victoire historique de Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi sur Alpine Renault A442-B lors de l’édition 1978 des 24 Heures du Mans. Ils remportent la victoire absolue alors que les rallymen Ragnotti-Fréquelin placent une seconde A442 à la quatrième place. C’est sur cette performance que le programme Endurance est arrêté pour ouvrir celui de la Formule 1 Renault à moteur 1500 cm3 Turbo qui faisait suite à l’A500, monoplace développée par le responsable du bureau d’étude Alpine, André de Cortanze.

Alpine a également triomphé en monoplace. Dès la première année où la marque est engagée officiellement, Alpine remporte en 1964 le titre de Champion de France de Formule 3 avec le talentueux Henri Grandsire. En 1971, c’est Patrick Depailler qui est titré Champion de France sur les fameuses Alpine A364 « Dinosaure » et en 1972, Michel Leclère lui succède. Cette même année, Alpine est couronnée aussi du titre de Champion d’Europe F3 par équipe face aux redoutables équipes anglaises.

Alpine a également brillé dans d’autres disciplines : en rallycross – où Jean Ragnotti en 1977, Bruno Saby en 1978 et Jean-Pierre Beltoise en 1979 ont été Champion de France trois années consécutives en plus du titre européen conquis en 1977 par l’autrichien Herbert Grünsteidl – ou encore en course de côte (Jean Ortelli, Marcel Tarres et des centaines d’autres pilotes).

VII. ALPINE : UNE HISTOIRE D’HOMMES

Une marque d’automobile c’est bien sûr des voitures mais c’est aussi des hommes. Souvent méconnus du public, ces ingénieurs, techniciens, ouvriers, employés, cadres et dirigeants ont un rôle déterminant. Savoir choisir les bonnes options au moment de la conception de l’auto, savoir la rendre fiable dès la fabrication, savoir la proposer de manière attractive à la clientèle, savoir la rendre désirable à tous… voilà leur challenge quotidien.

Aux Jean Rédélé, Jacques Cheinisse, Etienne Desjardins ou Roger Prieur, il faut associer l’équipe de mécaniciens de course dirigée par Gilbert Harivel, celle du Bureau d’Etudes de Richard Bouleau, Bernard Dudot et André de Cortanze, l’apport de Marcel Hubert, le « roi du vent » et de l’aérodynamique, les metteurs au point Mauro Bianchi et Alain Serpaggi (Champion d’Europe des Prototypes 2 litres 1974) qui ont su « rendre les autos agréables et amusantes à piloter » tandis que Bernard Pierangeli s’occupait de développer le commerce.

Côté pilotes d’usine, la liste est impressionnante et les citer tous serait impossible. On se souvient pêle mêle de Jean-Pierre Hanrioud, Henri Grandsire, Mauro Bianchi, José Rosinski, Jean Vinatier, Alain Serpaggi, Bob Wollek, Jean-Claude Killy, Jean Guichet, Philippe Vidal, Patrick Depailler, Jean-Pierre Jabouille, Jean-Pierre Jaussaud, Didier Pironi, Derek Bell, Jean-Pierre Jarier, Guy Fréquelin, Michel Leclère, Marie-Claude Beaumont, Patrick Tambay et bien d’autres. On retiendra en particulier Jean-Claude Andruet, Bernard Darniche, Jean-Pierre Nicolas, Jean-Luc Thérier et Jean Ragnotti.

Jean-Claude Andruet, Monsieur Boule de nerfs, pilote au talent exacerbé, est toujours sur la brèche aujourd’hui encore. Personne n’oubliera son double titre de Champion de France et de Champion d’Europe des rallyes en 1970 ni son exploit dans le Rallye Monte-Carlo 1973 qu’il gagne, ni ses victoires en Corse, ni son enthousiasme.

Bernard Darniche, est un pilote talentueux à l’extrême quand tout va bien, secondé par son acolyte Alain Mahé, multi vainqueur du Tour de Corse, héros du Tour de France, éternel insatisfait, boudeur mais déterminé à vaincre y compris sur des terrains inconnus comme au Maroc en 1973.

Jean-Pierre Nicolas, la force tranquille, imperturbable quelque soient les événements de course, toujours à l’affut d’une belle opportunité comme en 1978 au Rallye Monte-Carlo. Pilote aux multiples facettes, il s’avère excellent metteur au point et sait vaincre en traction et propulsion, sans esbroufe mais avec efficacité.

Jean-Luc Thérier, peut être le plus intuitif de tous les pilotes de rallye. Une dextérité sans pareille au volant, un art de la glisse à couper le souffle, un culot sans égal et un humour merveilleux.

Et que dire de Jean Ragnotti, véritable mascotte de Renault. « Négociant en virages » comme il aime définir son métier, il est aussi funambule, cascadeur, acrobate mais surtout fin pilote. Capable de tout conduire, il disputera pour Alpine rallyes, épreuves de rallycross ou d’endurance (24h du Mans). Il continue avec le même enthousiasme à disputer des épreuves de VHC au volant d’une Alpine A110 groupe IV ou Le Mans Classic à bord de l’A442-B ou de l’A443.

Alpine ce sont toujours des hommes de passion dont certains se dévouent pour que la flamme perdure. Parmi ceux-ci, les rédacteurs en chef des deux revues Alpine bimestrielles : Jean-Marc Cotteret et son magazine « Mille Miles » et Jean-Jacques Mancel et sa revue « Berlinette Magazine » mais également tous les animateurs de la centaine de clubs Alpine qui regroupent des milliers adhérents

L' »Association des Ancien d’Alpine » animée par André Desaubry, ancien responsable des mécaniciens monoplaces puis prototypes. et regroupant quelques dizaines « d’anciens » publient des ouvrages, gèrent les archives, s’investissent dans des opérations de communication, organisent des manifestations biannuelles à Dieppe et sont à l’origine du « Monument Jean Rédélé » (sculpteur : Druet) érigé à deux pas de l’usine à Dieppe en 2008, un an après le décès du fondateur de la marque.

Tous, perpétuent le souvenir de la belle histoire Alpine, promeuvent l’image du constructeur dieppois et fédèrent la passion que suscite la marque tant en France qu’à l’étranger. Il existe des clubs Alpine en Belgique, Allemagne, Grande Bretagne, Italie, Pays Bas, Japon, Norvège, Suède, Etats Unis, Canada, etc…

VIII LA PRODUCTION ALPINE EN CHIFFRES

1. PRODUCTION DE VOITURES DE ROUTE ALPINE EN FRANCE

A106                  251         (1955-1959)

A108                  236         (1960-1962)

GT4                     112         (1963-1965)

A110              7579       (1961-1977)

A310 4 cyl      2340       (1971-1976)

A310 V6           9276       (1976-1984)

GTA                     1509       (1984-1989)

GTA Turbo         4545       (1985-1990)

A610                      818         (1990-1995)

TOTAL                                     26 666

2. PRODUCTION D’ALPINE SOUS LICENCE À L’ETRANGER

BRESIL (INTERLAGOS)                      1500          (1962-1966)

ESPAGNE (FASA)                             1900          (1963-1978)

MEXIQUE (DINALPIN)                          700         (1964-1972)

BULGARIE (BULGARALPINE)                50          (1967-1970)

TOTAL                                              4 150

3. PRODUCTION DE VOITURES DE COURSE CIRCUIT

3.1 SPORT PROTOTYPES

            Proto 4 cylindres en ligne                        17

            Proto 8 cylindres en V                               8

            Proto 6 cylindres en V                             12

TOTAL 37

3.2 MONOPLACES

            Formule 3                                               26

            Formule 2                                               112

            Formule 1                                               2

TOTAL                                                               140

4. PRODUCTION DE RENAULT SPORT À DIEPPE

R5 ALPINE ATMOSPHERIQUE (R 1223)                     56.616

R5 ALPINE TURBO (R 122 B)                                     33.349

R5 TURBO                                                                1.820

R5 TURBO 2                                                              3.167

R5 MAXI TURBO                                                           20

SPIDER RS                                                               1.685

CLIO RS                                                                    67.000

CLIO V6                                                                       1 333

CLIO CUP                                                                    700

MEGANE RS                                                             22 455

MEGANE TROPHY                                                                  13

TOTAL 188 158

USINE ALPINE AVENUE DE BREAUTE

Date d’entrée en service       :      mai 1969

Surface totale                      :      35.000 m2

Surface couverte                 :      26.000 m2

Personnel                            :      ± 300 personnes

IX  QUELQUES TITRES REMPORTÉS PAR ALPINE

PROTOTYPES

1963 : Champion De France Sport Prototype  (J. Rosinski / M 63)

1964 : Champion De France Sport Prototype  (R. Delageneste / M 64)

1974 : Champion d’Europe des Marques (A. Serpaggi / A441)

1978 : Victoire au  24 Heures du Mans (D. Pironi – J.P Jaussaud / A442 B)

MONOPLACES

1964 : Champion de France F3 (H. Grandsire / P.64)

1971:  Champion de France F3 (P. Depailler / A360)

1971:  Champion de France Formule Renault (M. Leclère / A361)

1972 : Champion de France F3 (M. Leclère / A364)

1972 : Champion D’Europe F3  (Equipe Alpine /  A364)

1972 : Champion d’Europe de Formule Renault (A. Cudini / A366)

RALLYCROSS

1977 : Champion de France (J. Ragnotti / A310 V6)

1977 : Champion d’Europe (H. Grünsteidl / A310 V6)

1978 : Champion de France (B. Saby / A110)

1979 : Champion de France (J.P. Beltoise / A310)

RALLYES

1967 : Champion d’Espagne (B. Tramont / A110)

1968: Champion de France (Jean-Claude Andruet / A110)

1968 : Champion d’Espagne (B. Tramont / A110)

1969 : Champion de France (J. Vinatier / A110)

1970 : Champion d’Europe (J.C Andruet / A110)

1970 : Champion de France (J.C Andruet / A110)

1970 : Champion de Bulgarie (I. Tchubrikov / A110)

1970 : Champion de Roumanie (G. Puiu / A110)

1971: Champion International des Rallyes (Equipe Alpine / A110)

1971 : Champion de France (J.P Nicolas / A110)

1971 : Champion de Bulgarie (I. Tchubrikov / A110)

1972 : Champion de France (B. Darniche / A110)

1972 : Champion de Tchécoslovaquie (V. Hubacek / A110)

1973 : Champion du Monde (Equipe Alpine / A110)

1973 : Champion de France (J.L Thérier / A110)

1973 : Champion de Tchécoslovaquie (V. Hubacek / A110)

1974 : Champion de France (J. Henry / A110)

1974 : Champion de Tchécoslovaquie (V. Hubacek / A110)

1974 : Champion de Pologne (B. Krupa)

1975: Champion de France (J. Henry / A110)

1975 : Champion de Tchécoslovaquie (V. Hubacek / A110)

1975 : Champion de Hongrie (A. Ferjancz)

1976 : Champion de Tchécoslovaquie (V. Hubacek / A110)

1977: Champion de France (G. Fréquelin / A310)

1980 : Champion de France (J. Ragnotti / R5 Alpine)

1995 : Champion de France VHC (J.C Rédélé / A110)

Au-delà de ce palmarès extraordinaire, il faut aussi – et surtout – rappeler qu’Alpine-Renault détient plus de mille victoires acquises par des pilotes amateurs dans les multiples épreuves des championnats nationaux et régionaux en rallyes, courses de côte et slaloms. L’Alpine est ainsi la voiture de tous les champions.