Essai Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio : 1 V6, 2 turbos, 1 000 sensations

Essai Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio. Le constructeur italien revient sur le marché des berlines sportives avec cette Giulia survitaminée. Mue par un 2.9 V6 biturbo de 510 ch, elle annonce des accélérations dignes de meilleures GT -3,9 s pour le 0 à 100 km/h- et une vitesse de pointe établie à 307 km/h. En piste.

Même si la 159 3.2 V6 JTS, commercialisée entre 2005 et 2011 avec son moteur d’origine Holden (General Motors), n’a pas été à proprement parler une sportive familiale, elle représente néanmoins le dernier modèle motorisé par un six-cylindres dans la gamme Alfa Romeo. Pourtant, le constructeur italien possède une solide expérience sur le segment des berlines de sport, dont il été l’inventeur en 1950 avec la 1900 Berlina. Avec la Giulia, déjà multiplement récompensée pour son style, il compte faire renaître une partie enfouie de son ADN, en mettant sur le marché un modèle fort en gueule, construit sur une nouvelle plateforme appelée Giorgio, qui reçoit une transmission aux roues arrière et un bloc moteur tout aluminium qui s’annonce comme une pièce de choix.

La démonstration de force par le design

D’origine, même dans ses versions les plus sages, le modèle est spectaculaire. Mais dans cette robe Quadrifoglio, la Giulia fait dans le démonstratif. Car si sa peinture rouge Competizione tri-couche (option à 2 250 €), tout comme sa monte pneumatique de 19 pouces asymétrique (245/35 à l’avant, et 285/30 à l’arrière) appuient son caractère sportif, ses appendices aérodynamiques, ses ouïes sur le capot, ses pièces en carbone, ses boucliers sculptés et ses bas de caisse proéminents en disent long sur les vélléités dynamiques de l’engin.

A l’avant, la Giulia dispose même d’un « Active Aero Splitter ». Le nom est compliqué, mais le principe est simple. Il s’agit d’un spoiler en fibres de carbone qui est incorporé dans la bande inférieure du bouclier, qui modifie automatiquement sa position pour améliorer l’aérodynamique et la déportance en fonction de la vitesse. Il a pour mission d’améliorer l’adhérence et la stabilité, tout comme le grand diffuseur qui entoure l’impressionnante quadruple sortie d’échappement. Appliqués sur les ailes avant, les deux grands trèfles verts à quatre feuilles sont quant à eux présents pour la décoration, mais font honneur au passé sportif de la marque (voir encadré ci-dessous)

Le V6 Alfa et son bruit caractéristique

Alfa Romeo a toujours développé une culture du plaisir de conduite quelle que soit la carrosserie, tout comme le bruit de ses moteurs quand ils ne sont pas diesel. Né à la fin des années 60, le fameux « V6 Alfa », de diverses cylindrées au fil du temps, a occupé bien des compartiments moteur jusqu’en 2005, avec une puissance culminant à 250 ch à bord des livrées GTA (147 et 156, pour parler des plus récentes). Dès lors, produire un bloc de 510 ch relevait de l’exploit pour le constructeur italien, et ce V6 2.9 biturbo est le moteur le plus puissant jamais fabriqué par la marque pour une voiture de route. Sa mécanique a alors été puisée dans la banque d’organes du groupe Fiat, et plus particulièrement chez Ferrari, avec un V8 ouvert à 90°, auquel on a enlevé deux cylindres. Il y a pire comme base de travail…

Efficace et confortable

En prenant place au volant, on retrouve le charme des voitures italiennes, avec leur habitacle présentant quelques défauts et un style un peu à l’ancienne, comme l’écran situé trop bas ou les trois molettes un peu vieillottes qui occupent le bas de la console centrale. Même si les matériaux sont assez beaux et bien choisis, la précision des ajustements manque, et on se demande bien comment tout cela va tenir dans le temps. Mais finalement, tout cela n’a pas beaucoup d’importance…Alfa Romeo peut se targuer d’être le seul constructeur à avoir des clients aussi passionnés et indulgents, qui pardonnent tous les errements à leur voiture chérie, pour peu qu’elle porte le trèfle et le biscione, la vouivre des Visconti, sur son emblème.

Au moment d’aborder la conduite, le ton est donné par le bouton de démarrage (rouge sur cette version) situé sur le volant. C’est ainsi que le 2.9 V6 biturbo s’ébroue. Au ralenti, il n’est pas particulièrement démonstratif mais rappelle un peu l’ancien V6 Alfa. Dès que l’on touche à la pédale de droite, il réveille alors de bons souvenirs, et devient féroce, même au ralenti, dès qu’on actionne le mode Race, grâce à une molette située sur la console centrale.

Les premiers mètres offrent en revanche un sentiment étrange. A part peut-être une Aston Martin ou une Mac Laren avec une surmonte pneumatique, aucune voiture contemporaine ne présente un phénomène de « ripage » aussi marqué. En avançant roues –un peu- braquées afin de manoeuvrer, on a l’impression de progresser par à-coups, un peu à la façon de la première version de Porsche 911 type 996, qui elle aussi offrait ce genre de sensation désagréable. On dirait que les roues avant ont du mal à progresser.

Pour reprendre une autre mauvaise habitude de la marque, on constate que le diamètre de braquage est très, très grand. Heureusement que la direction est agréable à manier. Sur la route, le caractère propulsion de la Giulia est évident, et annonce l’équilibre général de l’auto : plaisant ! Avec un rapport poids/puissance (à sec) de 2,99 kg/ch, et un équilibre des masses annoncé à 52 % à avant et 48 % à l’arrière, la Quadrifoglio s’annonce joyeuse et pleine de sensations.

En WRC Julien Ingrassia, le copilote de Sébastien Ogier, a l’habitude de dire qu’il ressent la trajectoire avec le bassin, étant assis trop bas dans la voiture pour voir la route. Il ne serait pas en manque de repères à bord de la Giulia, très vivante sur route, toujours prête à tenter le déhancher dès que le pied droit s’approche un peu trop de la moquette, et permettant surtout aux occupants de bien sentir la route sans générer d’inconfort. Mais pas de méprise : d’une part, toutes les aides électroniques modernes sont à même de juguler les tentatives d’écart de comportement, et d’une autre tous ces coupe-la-joie sont paramétrables, jusqu’à la déconnexion totale de l’ESP en mode « Race ».

Sur circuit, le plaisir devient alors nature, sans filtre, mais demande davantage d’attention et de technique au volant. En sensation de conduite, la Giulia rejoint alors les meilleures de la catégorie, tient le choc face à une BMW M3, et surclasse une Mercedes Classe C AMG. Caractérielle et pointue en haut du compte-tours, elle sait également se montrer polyvalente, et peut également progresser tranquillement sur une nationale sans trop consommer (trois des six cylindres peuvent alors se désactiver) tout en préservant un vrai plaisir au volant.

En conduite rapide, la Giulia met bien en confiance et donne au conducteur l’impression de faire corps avec la machine. Un peu trop d’optimisme à l’approche d’un virage serré ? Le système de freinage se montre efficace et assez endurant, mais les freins carbone-céramique (7 350 €) seront un meilleur choix pour le circuit. Pour optimiser son inscription en courbe, la Giulia peut compter sur une direction ultra directe, qui souffre d’un très léger flottement en entrée de virage, mais qui n’empêche pas, finalement, de ciseler sa trajectoire.

A la relance, l’arrivée de la cavalerie est bien jugulée par la transmission aux roues arrière, lesquelles sont aidées par le système Active Torque Vectoring, qui agit sur la répartition du couple entre les deux demi-essieux grâce à deux embrayages électroniques qui répartissent la puissance et le couple entre les deux roues motrices. C’est plutôt efficace, mais nous espérons néanmoins qu’une version Q4, à transmission intégrale, verra le jour. Elle permettrait à la Quadrifoglio de gagner en efficacité, tout en conservant son caractère majoritairement propulsion et survireur. Nous avons par ailleurs eu l’opportunité de testé ce dispositif sur la livrée Veloce de 280 ch (moteur 4 cylindres 2.0 l turbo), et il nous a semblé probant.

Côté boîte de vitesses, Alfa Romeo propose heureusement une version automatique à huit rapports avec de grandes palettes au volant, nettement plus agréable et efficace que la boîte manuelle à six vitesses, dont le maniement du levier ne plaide pas en sa faveur. Elle représente un surcoût de 2 100 € (81 890 € au lieu de 79 790 €) mais est à notre sens incontournable, d’autant que quel que soit le style de conduite cette transmission automatique fait des merveilles en termes de réactivité et de plaisir au volant. Clairement, pour ce genre de véhicules, les boîtes de vitesses mécaniques n’ont plus aucun sens.

Les suspensions pilotées sont quant à elles livrées en série et réagissent selon plusieurs modes, intégrés dans un système qu’Alfa Romeo appelle D.N.A. Pro. Ce dernier permet de moduler le comportement de la voiture selon 4 choix : Advanced Efficiency, qui lisse l’arrivée de la puissance et abaisse la consommation ; Natural, qui correspond au mode Confort, termes plus couramment utilisé ; Dynamic, le meilleur selon nous pour une conduite quotidienne (direction plus directe, voiture plus intuitive), et enfin le mode Race, à réserver au circuit car présentant peu d’intérêt sur route (plus de bruit, tous réglages plus raides et moins d’assistances à la conduite).

Bilan

Pour un peu plus de 80 000 €, l’Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio est une formidable machine à sensations, et ses défauts contribuent à son charme. De quoi ravir les passionnés de la marque, et pourquoi pas les autres !

Didier LAURENT
Photos : Alfa Romeo

Quadrifoglio : d’où vient ce trèfle à quatre feuilles ?

Le célèbre porte-bonheur est apparu pour la première fois sur le capot d’une Alfa Romeo en 1923. Il s’agissait de la RL de Ugo Sivocci, avec laquelle le pilote italien remporta la Targa Florio. Ensuite, toutes les voitures de l’équipe officielle Alfa Romeo, dont celles d’Antonio Ascari et d’Enzo Ferrari, ont à leur tour arboré le trèfle, et bien entendu de couleur verte. Ainsi, lorsque la marque remporta le Championnat du Monde des voitures de course, en 1925, ou que les Alfetta de Giuseppe Farina et Juan Manuel Fangio s’attribuèrent les deux premiers championnats du monde de Formule 1, en 1950 et 1951, le Quadrifloglio Verde fut de nouveau mis en avant, devenant au passage indissociable de la marque.

C’est alors en toute logique marketing qu’Alfa Romeo a décidé de faire du Quadrifoglio Verde un label, que la marque choisira d’apposer aux versions les plus pointues de ses modèles de série. Ainsi, de nombreux modèles ont pris cette appellation au fil du temps, et la Giulia est aujourd’hui celle qui continue de perpétuer le mythe, sans toutefois utiliser le terme « verde ».