F1 – L’équilibre de la FOTA en danger

La Formule 1 vie ses heures les plus sombres, politiquement. Le manque d’unité de l’association des constructeurs, la FOTA, menace à terme un projet qui avait le mérite d’avoir de l’ambition. Mais qui sera ruiné par le manque de flexibilité de ses membres.

Créée en 2009, la FOTA a d’abord trouvée son unité contre un ennemi commun : l’ancien président de la FIA, Max Mosley. L’association des constructeurs se posait comme l’alternative à une Fédération qui voulait imposer des objectifs de réductions des coûts et une alternative à un Bernie Ecclestone, omniprésent dans les droits commerciaux de la discipline, mais instable dans sa stratégie. Un outil principalement bipolaire animé autour de Ferrari et de deux équipes anglo-saxonnes que sont McLaren et Mercedes GP (ex Brawn).

Les autres équipes, à l’époque, s’étaient alignées par intérêt. Même les petites équipes, nouvellement crées pour l’occasion par la FIA, Team Lotus, Marussia Virgin Racing et Hispania Racing Team (HRT), ont signé pour rejoindre l’association fin 2009. Un premier incident dans l’unité surgit en décembre 2010. La petite équipe espagnole HRT quitte la FOTA. Ni trouvant pas son intérêt. Ce départ n’a pas bouleversé l’ensemble. Mais, comme tout régime bipolaire, l’émergence en parallèle de ce départ d’une nouvelle puissance, perturbe l’équilibre des rapports. En remportant deux titres constructeurs, l’équipe Red Bull Racing se place comme une alternative de par son modèle. Elle n’est pas un constructeur, juste une équipe cliente d’un motoriste (Renault) et fonctionnant à l’ancienne. Loin du standard proposé par les trois géants de la FOTA.

La tension entre ses trois équipes et Red Bull Racing a été animée. En fin d’année 2010, Ferrari a accusé l’équipe autrichienne d’avoir plus dépensé que de raison. Le chiffre de 160 millions d’euros a été avancé, alors qu’une convention entre les équipes devait respecter le chiffre d’un coût maîtrisé à 100 millions d’euros par année. Six mois plus tard, Mercedes GP accuse l’équipe autrichienne de ne pas respecter l’autre volet de l’accord de réduction des coûts (RRA), sur le personnel employé. Enfin, McLaren a été très véhément sur la légalité des machines développées par Adrian Newey depuis 18 mois. L’ensemble présente un tableau détestable, mais place RBR comme une réelle puissance menaçante sur le long terme.

En marge du Grand Prix d’Abu Dhabi, une réunion de la FOTA devait sauver les apparences et repartir sur de nouvelles bases. En vain. L’équipe Red Bull Racing aurait lancé une contre-proposition, qui a repoussé l’échéance au Brésil dans quinze jours. Depuis bientôt trois semaines, la politique de l’équipe autrichienne est entre deux eaux : quitter la FOTA et perturber son équilibre, ou alors y participer comme un vrai top team au milieu des géants, en faisant des concessions. Le choix de la deuxième idéologie a été fait. Il semblerait que les concessions de RBR soient très drastiques (définition du personnel administratif et technique dans un effectif, temps de travail dans les souffleries plus précis, plafond de 100 millions d’euros et non plus 50 millions etc…).

Il est vrai que le RRA est à deux vitesses. Une partie pour les constructeurs et une autre pour les équipes classiques. Principalement en deux niveaux : le budget marketing et les effectifs. Cet accord indique que le personnel doit être de 250 personnes en 2011 et 180 personnes en 2012, pour les équipes classiques et de 450 en 2011 et 350 en 2012 pour les constructeurs. Idem pour les budgets qui sont de 100 millions pour les constructeurs et 50 millions pour les autres. Le problème est que Red Bull Racing est une « classique » au milieu des constructeurs. Il est donc compréhensible qu’elle veuille une redéfinition plus juste des répartitions qui vont l’handicaper pour l’avenir.

Cette perte de temps dans l’union de la FOTA profite aussi à Bernie Ecclestone. En effet, le propriétaire des droits de Formule 1, avec le fond d’investissement CVC Capital, observe le combat des puissances avec intérêt. Le projet de rachat de plus de 60% de la Formule 1, par les équipes prend du retard. De plus, pour provoquer encore plus le désordre dans la FOTA, Bernie Ecclestone aurait déjà proposé une offre de 100 millions de dollars (70 millions d’euros), sous la forme de prime sur les droits TV à Ferrari, en cas de rupture de cette dernière avec l’unité de l’association des constructeurs. Une manoeuvre politique, car, en cas de signature de l’équipe italienne, le reste des équipes seraient obligée de suivre et de signer de force les prochains Accords Concordes, document devant régir l’aspect commercial de la F1 entre le propriétaire des droits et les équipes), en leur défaveur, pour les cinq prochaines années.

L’avenir de la FOTA se joue sur plusieurs volets de rupture. C’est ce qui la met en danger pour le moment.