Mexico ePrix : Di Grassi gagne, la Formula E poursuit son ascension

Le ePrix de Mexico vient de se terminer sur la victoire de Lucas Di Grassi (Abt Schaeffler Audi Sport). Une course splendide qui indique que la Formula E augmente son niveau de jeu et son attrait. Aucune discipline n’a connu une pareille ascension.

Après la publication de la liste des constructeurs qui seront engagés pour au moins trois ans à partir de la saison 5, fin 2018, Alejandro Agag, le président de Formula E Holdings, qui a lancé ce championnat fin 2014, peut se sentir pousser des ailes. Audi, BMW, Jaguar, DS, Mahindra, Venturi, Renault –et peut-être demain Mercedes et Ferrari- constituent le plateau exclusif des constructeurs engagés. Aucun championnat d’envergure mondiale, y compris la Formule 1, ne peut se targuer d’accueillir autant de grands noms de l’industrie automobile.  « L’une de nos forces, c’est le coût attractif de la discipline », indique Alejandro Agag. « Avec des budgets contenus (20 à 25 millions la saison contre plus de 200 en WEC, par exemple, Ndlr) et en déchargeant les équipes du développement de certaines pièces communes –châssis et carrosserie, notamment- nous leur permettons de concentrer leurs investissements sur des pièces à forte valeur ajoutée, qui leur permet de faire du développement pour leurs voitures de série ».

Il est vrai que si les budgets étaient plus élevés, il y aurait moins de constructeurs en Formula E, la médiatisation n’ayant pas encore suivi. Mais en saison 5, avec des nouvelles voitures au style futuriste, un niveau de performance plus élevé et un plateau de pilotes toujours relevé, les choses pourraient changer. D’ailleurs, elles sont déjà évolué. A chaque course, il y a de plus en plus de monde, de plus en plus de journalistes, et les déclarations d’intérêt de nombreux pilotes sont courantes. A Mexico, on n’avait jamais connu un tel engouement pour la discipline et on sent bien que l’organisation progresse. De ce fait, on peut s’attendre à ce que la Formula E devienne un phénomène, certainement au grand dam des passionnés purs et durs qui décrient, à tort ou à raison, le sport marketing -la Formula E assume son côté sport business- et le manque de bruit mécanique des voitures, qui émettent un son similaire à celui d’une voiture télécommandée.

Une journée de compétition animée

Les mexicains ne sont pas des lève-tôt, et il y avait peu de monde avant 8 heures du matin aux abords du circuit. En réalité, il y avait davantage de policiers que de visiteurs. Puis les tribunes se sont remplies petit à petit au cours de la matinée, notamment dans l’imposant stadium de base-ball au cœur duquel passent les monoplaces électriques. Au final, elles seront pleines et, comme l’année dernière, la course s’est jouée à guichet fermé, les 40 000 places disponibles ayant été vendues.

A 8h00, les monoplaces sortent une première fois pour 45 minutes de test. Sébastien Buemi (Renault-e.dams) le leader du championnat, n’a pas beaucoup dormi. Il est arrivé dans la nuit depuis Milan, après avoir participé au prologue du WEC à Monza (Italie). Deux autres pilotes sont dans le même cas : Stéphane Sarrazin (Venturi), et José Maria Lopez (DS-Virgin Racing), qui sont par ailleurs les coéquipiers du suisse chez Toyota en Endurance. Néanmoins, c’est bel et bien Buemi qui signe le meilleur temps de cette première séance d’essai, devant les deux Dragon Racing de Loïc Duval et Jérôme d’Ambrosio.

Le français Jean-Eric Vergne (Techeetah) signe le 4ème temps, Nicolas Prost, sur l’autre Renault-e.dams est alors 12ème. Plus tard, ce sera à nouveau Buemi qui réalisera le meilleur temps de la seconde séance, (1min 02,164 s) devant Lucas Di Grassi (à 0,111 s) et Jean-Eric Vergne (à 0,011 s). « En qualifications, ça va être compliqué d’aller chercher Buemi, » déclarait alors Di Grassi. « La piste est technique et très glissante, et faire le tour parfait ne va pas être évident. »

27, Robin Frijns (NLD) , MS Amlin Andretti.

Mais la météo est plutôt bonne pour les batteries comme pour les pneus, capables de monter à la température idéale en seulement un tour. « Nous avons conçu nos pneus avec un cahier des charges très précis et spécifique à la Formula E, » indique Serge Grisin, le manager de Michelin pour la discipline. « Nous connaissons les enjeux de chaque moment de la journée, et savons par exemple qu’en qualification les pilotes font d’abord un tour de rodage, puis un autre à 170 kW, puis deux à 200 kW. C’est à ce moment qu’ils ont le plus besoin de performance, et il faut que nos pneus puissent leur apporter le meilleur grip à ce moment. En super pole, c’est un tour de chauffe et un tour lancé. On n’a pas le droit à l’erreur. »

Du côté des équipes, chacun loue les qualités du Pilot Sport EV2, et y va de sa petite stratégie, toutes les équipes utilisant les mêmes pneumatiques. « On joue au maximum sur les pressions pour aller chercher du grip, indique Nelson Piquet, du team NextEV NIO. Le fait d’avoir des pneus neufs ou rodés (à l’occasion des essais, Ndlr) peut aussi avoir une importance, même si pour moi ce n’est le plus déterminant. »

Des qualifications à rebondissements

47, Adam Caroll (GBR), Panasonic Jaguar Racing.

En fin de matinée, alors que le soleil commence franchement à chauffer (26°C dans l’air, 40°C sur la piste) Buemi se loupe. « Partir dans le premier groupe n’est jamais un avantage, mais ici la piste très sale et c’était encore pire, » commenta le pilote suisse. Dans le groupe 2, Oliver Turvey (NextEV NIO), Daniel Abt (Audi Sport Abt Schaeffler) et Pechito Lopez se qualifient pour la super pole et seront rejoints par Vergne dans le groupe suivant. Ensuite, c’est Maro Engel qui créé la surprise au volant de sa Venturi en prenant la dernière place disponible en super pole. Néanmoins, ayant changé de boîte de vitesses, il sera déclassé de 10 places. Toutefois, les faits sont là : les Venturi sont en meilleure forme qu’en début de saison. En super pole, C’est Daniel Abt qui s’impose. Mais il sera pénalisé pour pression de pneus non conforme (trop basse) et partira finalement 18ème. La pole position revient alors à Oliver Turvey (NextEV NIO), la première de sa carrière et un beau cadeau pour ses 30 ans.

Une course de dingue

On n’avait jamais vu autant d’enthousiasme et d’actions autour d’un ePrix. La Formula E a vraiment franchi un cap. A 16h00 locales, le départ est donné. Dès les premiers virages, des accrochages se produisent et Engel percute Di Grassi par l’arrière. L’aileron de son Audi est cassé. Mais, coup de chance, la sortie de la voiture de sécurité afin de ramasser les débris lui permettra de repasser par les stands sans perdre de place ni de temps. Devant Turvey et Lopez continuent d’attaquer. Mais, au 13ème tour, britannique tombe en panne et abandonne, offrant les commandes du ePrix à Pechito Lopez.

Di Grassi et D’Ambrosio jouent leur va-tout

11, Lucas di Grassi (BRA), ABT Schaeffler AUDI Sport.

Alors que la course est placée sous safety-car pour évacuer la monoplace de Turvey, D’Ambrosio prend le pari de changer de voiture pour économiser le temps de changement de monoplace forfaitaire (1 min dans le cas du ePrix de Mexico). Di Grassi, qui de toute façon pensait avoir course perdue, fait de même. Sur le papier, c’est très risqué car pour aller au bout il fallait que leurs batteries tiennent 28 à 29 tours, soit au moins quatre de plus que la normale. En toute logique, au changement « normal » de voiture, Di Grassi et D’Ambrosio prennent la tête de la course. Mais pour combien de temps ? ! C’est alors qu’un autre signe du destin viendra en aide aux deux pilotes : la Dragon Racing de Loïc Duval tombe en passe, et doit être évacuée. Elle se trouve dans un endroit assez éloigné, la voiture de sécurité est obligée de sortir une nouvelle fois, ce qui leur permet de sauver suffisamment d’énergie pour finir la course. Derrière eux, Vergne et Lopez sont en bagarre, tout en mettant la pression du D’Ambrosio, qui doit gérer son énergie. Néanmoins Pechito commettra une erreur et partira à la faute, perdant quelques places. Vergne décide alors d’attaquer D’Ambrosio, qui se défend énergiquement quelques tours mais fini par capituler. Di Grassi, gonflé mais chanceux, remporte alors son premier ePrix de la saison, devant Vergne et Sam Bird (DS-Virgin Racing) auteur d’une course impeccable.

Rendez-vous le 13 mai à Monaco pour la 5ème manche du championnat avec, on l’espère, autant d’animation.

Didier LAURENT
Photos : Jérôme CAMBIER/ Michelin

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