
Histoires insolites : le jour où Toyota sauva Porsche
Éliminer les vieilles méthodes et la perte de temps
Une grande partie du mérite de la transformation de Porsche revient à M. Wiedeking. Ce manager confiant et direct privilégie une approche pratique. Dès le départ, son idée était claire : il fallait faire venir les Japonais pour moderniser la production. Avant de tout transformer, les nouvelles équipes de production de Porsche ont rendu visites aux usines de Toyota. Ils ont pu ainsi comparer un travail ordonné, réfléchi, sans perte de temps. De retour en Allemagne, ils ont chronométré le temps nécessaire à Porsche pour assembler des éléments comme les carrosseries et les moteurs. Ils ont ensuite comparé ces chiffres avec les performances des usines japonaises. Les résultats étaient édifiants. Porsche mettait presque deux fois plus de temps que ses concurrents japonais pour accomplir les mêmes tâches.
« Lors de ces visites, beaucoup ont dit : ‘J’ai travaillé 20 ans pour rien' », raconte M. Wiedeking. Cela leur a permis de comprendre les changements indispensables pour la survie de Porsche. L’arrivée des experts japonais fin 1992 a été un choc. Chihiro Nakao, l’un d’eux, a pu décrire leur méthode de travail. À leur arrivée, l’usine ressemblait à un entrepôt sombre, avec des étagères de huit mètres de haut. Elles contenaient des stocks gigantesques de pièces, suffisants pour 28 jours de production. Pour récupérer une pièce, les ouvriers devaient parfois grimper sur des échelles, ce qui faisait perdre un temps précieux. La première mesure a donc été de diviser la hauteur des étagères et de réduire le stock à sept jours. Finalement, ils ont supprimé totalement les bacs de stockage pour créer un système plus efficace.






Le pragmatisme et l’efficacité japonaise…
Les ingénieurs de Porsche ont alors mis en place un « supermarché » de pièces détachées dans le sous-sol de l’usine. Les ouvriers y sélectionnaient uniquement les pièces nécessaires pour chaque étape de l’assemblage et les accrochaient sur des chariots. Ces chariots accompagnaient la voiture sur la ligne de production et retournaient ensuite au sous-sol pour être réapprovisionnés. « Ce système intéresse même les Japonais », affirme fièrement M. Wiedeking, preuve de son efficacité. Mais cette transformation dépasse la simple logistique. Elle redéfinit aussi la notion même d’artisanat automobile chez Porsche. « Autrefois, le savoir-faire allemand consistait à ajuster des pièces imparfaites pour les rendre parfaitement compatibles », explique le professeur Jones.
Mais ce travail était une perte de temps. Les pièces auraient dû être précises dès leur fabrication. Désormais, l’artisanat repose sur la recherche de méthodes plus simples et plus efficaces d’assemblage. L’objectif est d’assurer un flux de production ininterrompu et sans gaspillage, selon cette nouvelle vision du métier. Grâce à ces réformes,
Porsche peut désormais se concentrer sur le développement de nouveaux modèles. Le Boxster, un roadster deux places avec le moteur six cylindres, caractéristique de la marque, est sur le point d’être lancé. Son prix était d’environ 50 000 dollars, contre 64 500 dollars pour le coupé 911, un modèle plus exclusif. Avec le Boxster, Porsche espérait ainsi séduire une clientèle plus jeune, composée de professionnels ambitieux et de passionnés d’automobile.
Boxster 986 et 911 type 996, modèles controversés mais sauvant Porsche
Mais l’adoption par Porsche de mesures de production visant à réduire les coûts a suscité l’inquiétude des puristes. Le fait que ces efforts se soient traduits par le co-développement de la 986 et de la 996, la première des 911 à refroidissement liquide, n’a fait qu’accentuer ces appréhensions. Les moteurs des voitures étaient en effet en grande partie les mêmes, à l’exception de la cylindrée. Et pour l’observateur occasionnel, la 986 et la 996 étaient pratiquement identiques du nez au tableau de bord.
Parmi les similitudes les plus notables, citons les phares en forme d’« œuf au plat », vivement décriés par de nombreux amateurs de Porsche. Porsche pensait que cette synergie donnait plus de légitimité au Boxster, les traditionalistes le considéraient comme la voiture bon marché responsable du déclin de la 911. Bien entendu, Woehler n’est pas d’accord avec ces ressentis des Porschistes.
« Oui, la 986 et la 996 ont été conçues en même temps et ont été mises au point ensemble », explique M. Woehler. « Cependant, les composants clés étaient différents. Par exemple, la 986 avait trois cadrans principaux au lieu de cinq pour la 996. En outre, les boucliers avant étaient différents, et le pare-brise de la 996 était plus grand ».
La 996 était également nettement plus puissante. Après tout, Porsche ne pouvait pas permettre à son roadster d’écraser son aînée très respectée (et plus chère). Avec son moteur central, le Boxster aurait pu recevoir une puissance supérieure. C’est pourquoi, pendant la majeure partie de la vie du Boxster, Porsche a dû faire un effort particulier pour maintenir le roadster en entrée de gamme.


