Interview : Tony Ménard, directeur de Michelin Motorsport pour l’Amérique du Nord

« La Rolex 24 de Daytona accueille du public car ici tout est bien organisé »

Ce week-end, c’est le coup d’envoi du championnat d’Endurance IMSA avec les 24 Heures de Daytona. Le point avec Tony Ménard, le directeur de Michelin Motorsport en Amérique du Nord, sponsor principal de la série.

Comment fonctionne actuellement Michelin Motorsport aux Etats-Unis ?

Nous sommes en contact permanent avec Clermont-Ferrand. Le contexte demande une adaptation permanente de nos équipes, dont la sécurité sanitaire est une priorité. Concernant l’unité Motorsport, nous faisons des points réguliers avec notre responsable de la santé et de la sécurité. On revoit le calendrier, le nombre de personnes qu’on déplace sur les épreuves. Nous limitions au maximum le nombre de collaborateurs Michelin qu’on va exposer. 

Est-ce que des choses particulières ont été mises en place pour Daytona ? Vous avez de la chance d’avoir du public…

Les protocoles mis en place par l’IMSA sont très bons. Si on les respecte bien on limite les risques de contamination. Ici chacun est dans une bulle dédiée à son activité et ne peut pas en sortir. Je ne pourrai pas, par exemple, quitter la bulle « Paddock » pour aller en fan zone, avec les invités de Michelin. C’est ainsi et il faut l’accepter, d’autant que tout est bien fait. Cela permet également d’avoir du public, qui sera moins nombreux que les autres années (environ 10 000 personnes contre 40 000 l’an dernier, Ndlr) mais qui permet tout de même aux sponsors de recevoir leurs invités.

© 2021 Michelin North America

Est-ce que tous les commerces sont ouverts ? 

D’une manière générale, même si tout ne se passe pas exactement pareil dans tous les Etats, tout fonctionne normalement. Les restaurants sont ouverts avec des mesures sanitaires, tout comme les écoles. Il faut comprendre que dans le contexte des dernières élections, le port du masque et la distanciation sociale étaient aussi des outils politiques. Ici, le port du masque n’est pas obligatoire partout, mais généralement les magasins le demandent. Ce sera aussi le cas ce week-end pour entrer sur le circuit.

Est-ce que l’arrivée de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis va changer quelque chose au niveau des courses automobiles ?

Pour l’instant, nous n’avons pas d’informations sur ce sujet et le sport automobile, qui s’est bien organisé pour continuer, semble préservé. Toutefois, nous savons que tout est regardé de plus en plus près, et que des mesures concrètes pourraient être prises. Michelin a fait partie des entreprises leader en termes de décision sanitaire en Amérique du Nord, et s’il le faut nous nous adapterons à nouveau. Nous assumons tout ce qui se passe côté business et production, le plus important pour l’entreprise, c’est les gens.

Daytona est le début de la saison 2021 de l’IMSA. Qu’est ce qui change le plus en comparaison de 2020 ? 

Il s’est passé beaucoup de choses dans toutes les catégories, comme par exemple le retour de Chip Ganassi avec Cadillac en DPi. Ce sera très intéressant de voir comment tout cela va évoluer, et quel sera le niveau de performance de chacun. En GTLM il y aura tout de même une Porsche pour se battre avec les deux Corvette et les deux BMW. Enfin, l’engagement de Toyota, qui constitue le 18èmeconstructeur présent dans la série (un record pour un championnat, Ndlr), est également un événement et en dit long sur l’attractivité de la série. Si le contexte sanitaire le permet, nous avons une très belle année en perspective.

© 2021 Michelin North America

Est-ce que vos pneus évoluent à l’aube de cette nouvelle saison ?

Nous avions fait beaucoup d’évolutions entre 2019 et 2020, et le contexte a fait qu’il était difficile d’engager des ressources supplémentaires. Nous restons alors avec les mêmes solutions que pour la saison dernière, et cela fait sens. Toutefois, nous continuons de travailler avec nos partenaires pour progresser là où c’est possible. Notamment, sur les préconisations que nous pouvons leur faire en course. Michelin est en IMSA depuis 2019, et nous aussi nous continuons d’apprendre.

Comment voyez-vous, à plus long terme, l’arrivée de la catégorie LMDh ?

C’est une très bonne chose, très bien accueillie aux Etats-Unis, notamment par les teams et les constructeurs. Quand on discute avec les hommes du Wayne Taylor Racing, qui vient de passer chez Acura en DPi, on sent qu’ils ont envie d’aller plus loin. Derrière tout cela c’est aussi la perspective de pouvoir courir, plus tard, en dehors des Etats-Unis et aux 24 Heures de Mans. Par ailleurs, le fait de disposer de voitures hybrides aident les constructeurs dans leur communication en compétition. Enfin, les budgets seront raisonnables, et compte-tenu du contexte c’est important. 

Est-ce que c’est la fin du sport automobile traditionnel aux Etats-Unis ? 

Ici, il y une partie du monde de la compétition automobile qui se rend compte qu’il y besoin de cette évolution, et les constructeurs également. Quand on voit les annonces faites par Porsche ou Toyota, on voit bien que c’est par la technologie que tout arrive. C’est vrai que la voiture la plus vendue aux Etats-Unis c’est un gros pick-up Ford F150. Mais les marques ont conscience que l’avenir n’est plus au V6 ou au V8. Qu’on aime ou pas l’électrique, ce qui se passe aujourd’hui dans le monde industriel est une réalité qui trouve son écho en sport automobile.

© 2021 Michelin North America

L’électrification touche principalement des modèles haut de gamme. Est-ce que cela veut dire que l’IMSA est un championnat élitiste, qui colle finalement mieux à votre image que la Nascar ou l’Indycar ?

La Nascar, c’est du show, beaucoup de crashs, et des voitures qui tournent sur un ovale.  Nous, ce qu’on veut plus que tout, c’est montrer des performances qui durent, et l’Endurance est parfaite pour cela. C’est vrai qu’il y a plus de spectateurs en Nascar, mais ils sont moins attirés par les marques premiums. Et puis il n’y a plus que 3 constructeurs engagés contre 18 en IMSA ! L’IMSA et la Nascar ne sont pas concurrents, d’ailleurs le premier appartient au second…

L’IMSA sera donc le championnat le plus techno en Amérique du Nord ?

L’Indycar et la Nascar travaillent sur des évolutions, notamment côté motorisation, mais l’IMSA est leader sur le sujet de la transition technologique. L’arrivée de la catégorie LMDh fait que l’Endurance aux Etats-Unis est le vecteur idéal de promotion pour un sport automobile plus en phase avec les attentes sociétales du moment. Ce qui cadre parfaitement avec une marque de pneumatique premium comme Michelin.