Permis de conduire étrangers : la panacée ?

Par Me Teissedre,  Avocat au Barreau de Montpellier.

A-t-on raison de croire que conduire avec un permis de conduire étranger permet d’échapper aux foudres des autorités administratives et judiciaires en cas d’infraction au Code de la route ? Qui n’a pas déjà entendu une personne dire qu’elle allait passer un permis à l’étranger ? Est-ce si judicieux que cela ? Ou s’agit-il là encore d’une idée reçue? La réponse n’est en rien évidente et mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Nuances obligent !

 

Il faut tout d’abord savoir que la plupart des législations européennes mais aussi américaines (USA, Québec) prévoient dans leur législation un permis de conduire à points plus ou moins semblable à celui que nous connaissons en France.

Il s’agit soit d’un capital dont les points s’amenuisent au fur et à mesure que les infractions sont commises soit de points qui se cumulent pour chaque infraction constatée jusqu’à ce qu’un seuil soit franchi. Il existe aussi un système de bonus. Ainsi en Italie par exemple, un système de bonus a été mis en place si bien que l’automobiliste peut augmenter son capital qui est de 20 points à l’origine jusqu’à 30 points s’il ne commet pas d’infraction. Tandis qu’au Danemark, ne dépassez pas trois points ou vous risquez de voir votre permis annulé !

Pour les titulaires d’un permis étranger, que le titulaire soit étranger ou français, tout ne sera pas autorisé pour autant sur notre territoire.

L’impunité n’est donc pas assurée, loin s’en faut. Il faut distinguer les infractions graves des infractions mineures.

Dans la première hypothèse, qui suppose un risque de suspension administrative du permis et d’interdiction de conduire pendant une durée déterminée (ex : excès de vitesse de plus de 40 km/h ou conduite sous l’empire d’un état alcoolique), la règle est que l’Etat français ne peut procéder à un retrait de points sur le permis étranger ni à fortiori l’invalider pour solde nul.

De la même manière, un ressortissant français ne peut perdre de points sur son permis pour une infraction commise à l’étranger.

Ce qui ne veut pas dire que le conducteur ne fera l’objet d’aucune sanction. En effet, il a été jugé qu’un justiciable titulaire d’un permis étranger pouvait se voir priver par l’autorité administrative puis par l’autorité judiciaire de l’usage de son véhicule sur le territoire français pour une durée limitée. Il en résulte que pour les infractions les plus graves comme les grands excès de vitesse ou les conduites sous l’influence de l’alcool, l’automobiliste verra son permis de conduire administrativement suspendu par la préfecture. Le tribunal administratif de Versailles a toutefois nuancé cette solution. Ainsi, dans un jugement du 17 octobre 2006, il a été jugé que le permis de conduire d’un français non-résident en France ne pouvait pas être retenu par les autorités françaises. La solution s’impose puisque ni l’autorité administrative ni même l’autorité judiciaire ne peut sanctionner un contrevenant au-delà des frontières nationales. A titre d’exemple, un titulaire d’un permis turc qui ferait donc l’objet de cette privation verra son permis restitué parce qu’il doit pouvoir continuer de conduire en Turquie comme dans n’importe quel autre pays, y compris dans les différents pays de l’union européenne avec son permis turc.

S’agissant des contraventions mineures l’automobiliste titulaire d’un permis étranger ne verra pas son permis invalidé quand bien même les infractions commises entraîneraient pour un automobiliste du pays un solde de points égal à zéro. A noter toutefois que l’article R 222-2 du Code de la route sanctionne d’une amende de 4e classe le fait pour toute personne ayant sa résidence normale en France, titulaire d’un permis de conduire délivré par un Etat membre de l’union européenne, de ne pas faire l’échange avec le permis français lorsque l’intéressé a commis une infraction entraînant notamment un retrait de points.

Enfin, s’agissant des automobilistes français qui vivent à l’étranger et qui font l’échange avec un permis étranger conformément à la réglementation en vigueur dans le pays concerné, la tentation est grande d’effectuer cet échange alors que le permis français vient d’être invalidé. La Cour de cassation censure ces pratiques qui ne visent qu’à contourner la loi française et l’injonction qui est faite à l’intéressé d’avoir à restituer son permis sous peine de lourdes sanctions pénales. Ainsi, un permis de conduire étranger obtenu en échange d’un permis français annulé n’autorise pas son titulaire à conduire sur le sol français. Le titre étranger obtenu en échange doit même dans ce cas être remis par son détenteur aux autorités françaises chargées de l’exécution de la mesure d’annulation. Si la personne dont le permis français a été annulé ne fait pas l’échange mais passe directement son permis à l’étranger, elle ne pourra pas non plus conduire sur le sol français tant que le permis français n’aura pas été restitué et que le conducteur n’aura pas obtenu un nouveau permis de conduire en se soumettant aux examens prévus par la loi. L’administration a parfois bonne mémoire. Ainsi, si vous optez pour un échange avec un permis étranger (à condition de remplir les conditions requises par la loi), faites le avant qu’il ne soit trop tard!

Enfin, sachez que le permis international ne vous permet pas plus de conduire alors que votre permis de conduire a été invalidé ou suspendu.

Me Teissedre,  Avocat au Barreau de Montpellier

Membre de la commission juridique de 40 Millions d’Automobilistes

avocat.sport.cars@gmail.com