
Renault : la CGT juge le départ de de Meo « irresponsable »
Le directeur général de Renault, Luca de Meo, qui a annoncé son départ du groupe dimanche dernier, suscite une vive réaction du côté syndical.
Didier LAURENT
Luca de Meo, directeur général du groupe Renault depuis 2020, quittera ses fonctions le 15 juillet prochain. Le constructeur français l’a confirmé dimanche 15 juin dans un communiqué, indiquant que l’Italien s’apprête à « relever de nouveaux défis en dehors du secteur automobile ». Entre temps, il a été confirmé qu’il allait prendre la tête du groupe Kering, propriété de la famille Pinault qui détient des marques de luxe comme Saint-Laurent ou Gucci.
Après l’annonce de la nomination d’Antonio Filosa à la tête de Stellantis, ce départ n’est finalement qu’une demi-surprise. Luca de Meo est un homme de défis, aime bien aller là où il y a des problèmes, mais ses discussions avec John Elkann, le président de Stellantis, n’avaient pas abouti. Dès lors, le dernier défi pour sa fin de carrière était soit de rester chez Renault avec encore quelques problèmes d’envergure à régler (une petite perte de confiance dans le 100 % électrique, quelques casseroles en sport automobile ?), soit de changer de secteur. Il faut dire qu’entre les errances de la Commission Européenne d’un point de vue réglementaire, le tout-électrique qui fait une pause, l’Etat qui passe commande de drones à Renault et les députés d’extrême gauche n’ont eu de cesse d’attaquer de Meo de la manière la plus décalée, on peut comprendre que le dirigeant en ait ras-le-Losange.
Je t’aime, moi non plus
Ce départ est néanmoins inattendu, alors que Renault entame une phase critique de son plan stratégique, ce qui n’est pas du goût des syndicats. « C’est irresponsable de la part d’un soi-disant capitaine d’industrie de quitter le navire au moment le plus difficile », a indiqué Laurent Giblot, délégué central CGT du groupe, lundi dernier sur la radio France-info. Après avoir critiqué le dirigeant pour sa manière de gouverner, voilà maintenant que les syndicats, notamment la CGT qui est toujours plus virulente que les autres, se morfond. Un peu comme un mari violent qui s’étonne que sa femme le quitte. Drôle d’époque.
Une trajectoire contrastée
Si l’histoire retiendra les bonnes actions de Luca de Meo, il convient de regarder le tableau de son action dans la globalité. Arrivé dans un contexte de turbulences, après la chute de Carlos Ghosn, Luca de Meo avait pour mission de relancer un constructeur en perte de vitesse. En cinq ans, il a impulsé une transformation profonde, misant sur l’électrification et la montée en gamme de certains des modèles. Selon Renault, « l’entreprise dispose aujourd’hui d’une base saine » et d’une « magnifique gamme de produits », souligne Jean-Dominique Senard, président du conseil d’administration.

Pour le moment, les chiffres lui donnent raison. Les résultats du premier trimestre 2025 affichent une relative stabilité, avec un chiffre d’affaires de 11,7 milliards d’euros (-0,3%) et une progression des ventes de véhicules électriques et hybrides. Mais le mois dernier l’électrique a reculé de 14 % sur le marché français pour le constructeur tricolore, qui a construit son image récente sur les Renault 5 et Renault 4 à batterie, en attendant le renouvellement de la Clio, qui sera quant à elle hybride. Or, la Clio est à elle seule plus importante que tous les modèles électriques de Renault réunis, et c’est là le véritable enjeu.
Des critiques sur le volet social
Ce bilan économique et cette politique produit avantageuse ne suffisent pas à calmer la colère syndicale. La CGT dénonce un revers social marqué. Laurent Giblot évoque un « massacre », pointant notamment la fermeture de l’usine de Flins (Yvelines), l’externalisation de l’ingénierie vers l’Asie, le recours accru à la sous-traitance et une stratégie jugée trop orientée vers les résultats financiers. Signalons au passage que l’usine de Flins n’a pas été fermée au sens propre, mais dédié à la remise en état et au recyclage avec, il est vrai, une diminution des effectifs.
« Ce départ me met en colère, parce qu’il n’assumera pas ce qu’il a fait » déplore le représentant syndical. « Il s’en va en nous laissant à la dérive. »


Alpine et la F1 dans la tourmente
Le départ de Luca de Meo, salué par la direction mais vivement critiqué par les syndicats, laisse Renault à un tournant stratégique. Est-ce que ce départ sera de nature à plonger le groupe vers une orientation différente sous la coupe de la nouvelle équipe dirigeante ? Ce qui est certain, c’est que la phase qui arrive est plus critique que celle qui a été mise en place par le dirigeant italien. Il convient aussi d’évoquer ici l’avenir d’Alpine, qui hérisse les passionnés car au futur « électrique et SUV », ou encore l’écurie de Formule 1, dont le moteur sera fabriqué par Mercedes dès l’année prochaine. Dernier élément de crispation, le retour dans le milieu de la Formule 1 de Flavio Briatore, pourtant radié « à vie » par la FIA après la tricherie de Singapour à la fin des années 2000, mais réhabilité par de Meo, grand ami de l’homme d’affaires transalpin.
On ne connait pas encore les orientations que prendront le conseil d’administration, mais le remplaçant de Luca de Meo a devant un petit empilement de dossiers compliqués.