Supercars de Légende : Ford GT90, son design en héritage

Améliorer son image de marque

Challengé par les voitures japonaises sur le sol américain, Ford se devait de réagir. Et cela incluait de convaincre les clients qu’ils maîtrisaient parfaitement les ajustements de carrosserie et les jeux d’assemblage. Ces détails donnaient immédiatement une impression de qualité perçue à quiconque entrait dans une concession. Ironiquement, Ford avait aussi beaucoup progressé, mais peu lui en donnaient le crédit, ni à ses modèles. Pour Scott, la réponse était de créer une « voiture de course pour la route », avec un langage de design évoquant la précision mécanique.

« Je voulais essayer quelque chose qui paraissait plaqué au sol, se souvient Scott, et montrer une nouvelle manière de modeler une carrosserie, moins ronde à l’excès. J’ai demandé à six designers de proposer des idées, et Jim Hope a dessiné une voiture ressemblant à une GT40 venue du futur. Nous avions besoin d’un châssis roulant, et j’ai appris que Jaguar (filiale de Ford à l’époque) peinait à vendre sa supercar XJ220. Alors, nous en avons fait venir une, retiré la carrosserie, allongé le châssis et installé un V12 expérimental ! »

Ce moteur avait vu le jour au département Ford Advanced Powertrain comme exercice théorique. Il était basé sur le nouveau moteur « Modulaire » des années 1990, disponible en V6 4,6 litres sur des modèles allant de la Mustang à la Rover 75 développée par Prodrive, et en V10 6,8 litres sur les pickups F-Series de Ford. L’ingénieur motoriste Bob Natkin prit une moitié du nouveau V8, la souda à un bloc de V8, et obtint ainsi un V12 assemblé de bric et de broc, qu’il fit tourner dans une Lincoln Town Car. Et là, il serait sans doute resté si John Coletti, l’ingénieur qui avait maintenu le programme Mustang en vie, n’en avait pas entendu parler.

Un design pour inspirer le futur de la marque…

John Coletti dirigeait le SVT (Special Vehicle Team), le département en charge de créer les modèles sportifs américains de Ford. L’équipe américaine du SVT devait non seulement concevoir ses véhicules, mais aussi les vendre et les promouvoir. Coletti chargea Fred Goodnow, directeur de l’ingénierie du SVT, d’associer le châssis Jaguar à la carrosserie anguleuse dessinée par Jim Hope, et d’y installer une version quadri-turbo du V12 5,9 litres de Natkin. Ce moteur développait 720 ch, soit assez pour battre la McLaren F1 qui, quelques années plus tôt, avait établi le record mondial de vitesse pour une voiture de série.

Trouver un nom pour la nouvelle supercar de Ford fut simple. La GT40 avait été baptisée en hommage aux victoires du Mans, suivie quelques années plus tard par une héritière avortée, la GT70. Quatre exemplaires routiers roulants de cette GT70 furent construits, mais cette voiture à moteur central manquait d’un vrai châssis, comme celui victorieux de sa devancière. Cependant, la lignée des « GT » était bien établie dans les années 1970. Voici donc la dernière de la famille : la GT90. Elle arborait même de spectaculaires pneus dont les sculptures, taillées à la main, formaient l’inscription GT90.

1971 Ford GT70 Sports Prototype

Scott se souvient que cette machine spectaculaire ne séduisit pas immédiatement la direction de Ford ni la presse de Détroit. Mais tout changea lorsque le grand public et la presse internationale la découvrirent. Ils furent hypnotisés par l’explosion de triangles, même si Scott espérait que l’attention se porte plutôt sur les surfaces tendues créant ces arêtes vives que sur les formes elles-mêmes. Rapidement, on demanda au vice-président du design de Ford, Jack Telnack, si ce style représentait l’avenir. Sa réponse fut que les Ford du futur adopteraient le New Age Edge. « Puis j’ai simplement raccourci en New Edge », raconte-t-il.

Réfléchir à un modèle de production

La GT90 fit tellement sensation que la direction de Ford (avec l’appui de Coletti) commença à envisager la production. Fred Goodnow, chef de projet de la GT90, alla même jusqu’à confier à Jeremy Clarkson que, avec deux à trois ans de développement, « nous pourrions sans aucun doute produire une voiture pleinement compétitive » et même « meilleure » que les concurrentes de McLaren, Bugatti et Ferrari.

Cependant, c’est à ce moment que les problèmes commencèrent. En effet, même si Ford tenait un succès stylistique, la voiture imaginée par Scott visait avant tout à impulser une nouvelle réflexion en design. En effet, l’aspect de vitrine technologique n’était pas une priorité pour la marque. Elle avait été créée comme un exemplaire unique, façonné et conçu sans se soucier de la faisabilité pour une conversion en production. D’ailleurs, l’idée de démonter d’autres Jaguar XJ220 fut évoquée, mais le coût la rendait irréaliste.

Il fallut donc repenser le projet. Bob Natkin avait développé un autre V12 (basé sur le V6 Duratec de Ford), destiné à Aston Martin. Pourtant, au lieu d’offrir une solution pratique, cela créait un problème politique : utiliser ce moteur pour une Ford puissamment motorisée et vendue à six chiffres empiéterait directement sur le territoire réservé à Aston Martin, alors propriété de Ford. Si les dirigeants validaient une telle orientation, ils se retrouveraient à concurrencer leur propre marque de prestige.

Le New Edge Design comme seul héritage

Si la Ford GT90 ne sortie jamais des chaînes de production, elle laissa un bel héritage. Ainsi, cette supercar sensationnelle demeura un exemplaire unique. Elle avait rempli son rôle, ravivant l’imagination d’une équipe de design démoralisée. Elle influença donc des modèles comme la Ka, la Puma, la Focus et même la Cougar. Pourtant, ceux qui espéraient voir Ford défier de nouveau Ferrari furent déçus. Pour le meilleur ou pour le pire, cette mission fut laissée à Aston Martin.

Cependant, la flamme qui brûlait autour de la GT90 ne s’éteignit pas complètement. Son esprit de défi raviva les ambitions dans les couloirs du pouvoir chez Ford. La marque avait besoin d’une supercar porte-drapeau et se tourna vers son passé pour y puiser l’inspiration. Camilo Pardo, auteur de certains croquis anguleux réalisés chez Ghia, travaillait désormais pour Ford aux États-Unis au début des années 2000. C’était l’âge d’or du design rétromoderne, quand BMW lançait la Z8 et la Mini. Certes, le style New Edge était passé de mode, mais l’esprit de la GT90 restait bien vivant.

John Coletti reçut la mission d’imaginer un coupé GT à moteur central, tandis que Pardo devait lui donner une allure rétro. Le nouveau concept GT40, dévoilé en 2002. Elle semblait n’être qu’une mise à jour du célèbre coupé de route dérivé du modèle de course. En cela, la GT90 donna un nouvelle impulsion à Ford, abandonnant ses démons des années 80.

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