Un sursis pour le moteur thermique après 2035

Le Parlement européen a récemment fait voter une loi interdisant la vente de véhicules thermiques dès 2035. Cette dernière devait tout simplement mettre à l’écart de la production tout véhicule fonctionnant aux énergies fossiles, l’essence.

L’Allemagne obtient un sursis pour le moteur thermique

Après deux ans de tractations, l’Union Européenne et les membres de l’UE avaient finalisé ce texte de loi en novembre dernier. Il devait être voté ces derniers jours, mais l’Allemagne est intervenue in-extremis pour refuser de signer ce texte de loi.

Les législateurs de l’Union européenne avaient officiellement approuvé cette loi. Elle devait interdire la vente de nouveaux véhicules à essence et diesel d’ici 2035. La loi prévoyait également des objectifs plus stricts en matière de ventes de véhicules sans émissions. Mais elle laisse une certaine marge de manœuvre aux petits constructeurs.

Si initialement au mois d’octobre dernier, Berlin était d’accord avec le premier texte, tout a changé depuis. Ce volte-face de l’Allemagne est dû à sa volonté d’autoriser les moteurs thermiques avec des carburants de synthèse. Les carburants de synthèse sont produits en captant le CO2 émis par les activités industrielles.

Les e-carburants pour sauver le moteur thermique ?

« Nous avons trouvé un accord avec l’Allemagne sur l’utilisation future des carburants de synthèse dans les voitures », a annoncé le commissaire européen à l’Environnement Frans Timmermans sur Twitter. « Les véhicules équipés d’un moteur à combustion pourront être immatriculés après 2035 s’ils utilisent exclusivement des carburants neutres en termes d’émissions de CO2 », a précisé le ministre allemand des Transports, Volker Wissing.

L’Allemagne souhaitait cependant la modification de ce texte pour autoriser le moteur thermique fonctionnant aux e-fuels. Elle a insisté pour que ces derniers soient dérivés de l’hydrogène ou produits par électrolyse neutre en carbone. L’Italie s’était aussi opposée au premier texte de loi, mais ne disposait pas de suffisamment de voix. L’Allemagne, en revanche, a réussi à faire plier la commission européenne. Cette dernière a dû rédiger un nouveau texte comme compromis pour faire adopter la loi.

Le président français Emmanuel Macron, qui soutient fermement l’interdiction des moteurs thermiques, a rencontré le chancelier allemand Olaf Scholz lors d’un sommet de l’UE à Bruxelles jeudi dernier. M. Macron pourrait soutenir le compromis en échange du soutien de l’Allemagne à l’énergie nucléaire en tant qu’outil « vert » de lutte contre le changement climatique.

Déjà des inquiétudes de dérives ?

Les défenseurs du climat sont consternés. L’ONG Transport & Environment (T&E) prévient qu’il s’agit d’une ruse pour prolonger les ventes de voitures fonctionnant aux combustibles fossiles. Ils pensent également que cela placera l’Europe derrière les USA et la Chine dans le développement des véhicules électriques.

« Vous sapez la réglementation à un tel point, avec tant d’échappatoires et de possibilités de fraude et de falsification, qu’il n’y a aucun moyen de garantir que les voitures à moteur thermiques vendues après 2035 ne sont pas alimentées par des carburants fossiles », a déclaré Alex Keynes, responsable des véhicules propres chez T&E, à l’Energy Monitor.

Il affirme que l’idée de limiter les moteurs thermiques avec des carburants de synthèse sera inapplicable parce que les moteurs des voitures ne peuvent pas faire la différence entre les carburants liquides produits à partir de fossiles et les carburants liquides produits à partir d’électricité.

De plus, le matériel et les logiciels pourraient être manipulés. Certains craignent que les constructeurs opèrent illégitimement comme le scandale du « Dieselgate ».

Les carburants de synthèse, la bonne alternative ?

Cependant, les biocarburants pourraient être encore très chers en 2035, constate M. Keynes. Les clients et les constructeurs seraient fortement incités à frauder le système. Aussi, comme l’essence et le diesel seront encore présents pendant de nombreuses années pour alimenter les anciennes voitures, il leur sera facile d’y parvenir.

Selon une étude de T&E, les carburants de synthèse seraient 47 % plus chers que l’essence en 2030. « Le coût plus élevé des e-carburants signifie que seuls les riches pourront se les offrir. Tandis que tous les autres seront contraints de contourner les règles et d’utiliser des carburants fossiles à la place ». Déclare Marie Chéron, responsable de la politique des véhicules chez T&E France.

La plupart des constructeurs avaient adopté le premier texte, soulignant l’opportunité dans les VE. « La grande majorité des constructeurs automobiles n’en veulent même pas », affirme M. Keynes. « Ford, Audi, VW et Volvo se sont tous prononcés à 100 % contre cette idée. Porsche est le seul constructeur automobile à avoir ouvertement déclaré qu’il investissait dans ce domaine. Il s’agit vraiment d’une solution pour les voitures de sport, parce qu’elles sont très chères. »

Qui a donc fait pression sur les Allemands pour qu’ils s’y opposent ? « L’industrie pétrolière et gazière, parce que cela leur donne un marché pour continuer à raffiner et à produire des carburants, et le lobby des composants de moteurs, pour qu’ils puissent continuer à fabriquer des moteurs thermiques », explique M. Keynes.