24 Heures du Mans 2023 : les pilotes au simulateur

Le départ des 24 heures du Mans 2023 sera donné le 10 juin à 16 heures. Certains pilotes se préparent sur un simulateur professionnel, d’autres y travaillent sur différents aspects techniques avec le concours de Michelin. Le manufacturier français y développe en effet ses pneus de compétition. Nous avons assisté à l’une de ses séances.

Les locaux de la société AO Tech, dans l’Essone, sont flambants neufs. Ils recèlent un simulateur professionnel sur lequel les pilotes des 24 heures du Mans 2023 doivent valider des compétentes. Un passage obligé uniquement pour ceux qui n’ont jamais pris le départ du double tour d’horloge sarthois. Les pilotes concernés retournent donc -un peu- à l’école. Sauf qu’ici la salle de classe prend la forme d’une bulle montée sur des vérins. A l’intérieur, un siège en carbone, un volant, et face au pilote, une demi-sphère d’écrans. A son bord, l’élève ou le professionnel peuvent rouler sur tous les circuits du monde. Ou presque, puisque certains promoteurs ne donnent pas les droits -ou les vendent trop chers- pour que chacun s’y entraine.

Les 24 heures du Mans sans bouger de son siège

Le pilote du jour, invité par Michelin Motorsport, organisateur de cette journée, c’est Felipe Albuquerque. Au Mans, il sera au départ au volant d’un bolide de la catégorie LMP2, cette fois équipée de pneus Goodyear. Mais il est aussi l’un des animateurs du championnat IMSA. Aux USA, il pilote une Acura du Wayne Taylor Racing, dans la catégorie reine GTP, équipée des mêmes pneus que les Hypercar au Mans. Le pilote portugais, expérimenté, est ici pour une séance de développement sur les pneus. Car au-delà du pilotage pure, le simulateur permet désormais de travailler sur des aspects techniques. Les pneumatiques des voitures qui roulent en Hypercar dans le Championnat du monde d’Endurance FIA-WEC sont d’ailleurs issus du développement virtuel, chez Michelin.

Michelin a simulé pour les 24 Heures du Mans

Le manufacturier tricolore possède une grosse expérience en la matière. Cela fait 30 ans environ qu’il récolte des données sur les pneus en course pour les insérer dans ses systèmes informatiques. Mais c’est en 2005, lorsqu’il s’est engagé en Formule 1, que Michelin a rendu le pneu virtuel « dynamique ». Les chercheurs de Bibendum ont décomposé le pneu en créant un modèle mathématique indépendant pour chaque élément. Un logiciel thermodynamique, appelé Tame Tire, fait interagir les composants du pneu en reproduisant les déformations et les effets des températures sur les matériaux, mais aussi la pression de gonflage. Chez Michelin, tous les pneus sont étudiés sur ordinateur, avant que des séances de développement virtuelles soient organisées avec des pilotes. Les tests en piste n’existent plus et le pneus roulent pour la première directement sur les voitures de course. Le simulateur permet de prévoir des ajustements sur les futures générations, mais aussi de procéder à des réglages fin de la voiture en fonction des circuits. C’est un véritable allié.

Albuquerque fin connaisseur

« Honnêtement je préfère la piste que le simulateur », indique le pilote portugais dans la salle de contrôle. « Mais les séances virtuelles permettent vraiment d’avancer dans le développement. On gagne du temps, on évite de déplacer une grosse équipe dans un garage. Ici, il n’y a que des ingénieurs et le pilote, on peut échanger en temps réel. C’est un véritable gain de temps. » Et d’argent, évidemment. Le simulateur est monté sur vérins et reproduit fidèlement les sensations. Sa seule limite : les accélérations trop prolongées, car il ne peut s’incliner à l’infinie pour faire ressentir toute la poussée. Mais dans une voiture de course les pilotes attachés très solidement, portent un casque et un Hans (qui relie le casque à une structure cervicale) et les sensations sont dans tous les cas différentes.

Michelin veut aller plus loin

Pour affiner encore son processus de travail et s’ouvrir de nouvelles voies, Michelin vient d’acquérir la société anglaise Canopy Simulation. Il s’agit du leader mondial de la simulation de « temps au tour », qui exploite d’un logiciel à la puissance sans limite ou presque et qui est hébergé sur une plateforme cloud. Le programme combine les modèles circuit, voiture et pneumatiques avec un « simulateur de trajectoires » très avancé, qui reproduit le comportement d’un « pilote virtuel idéal ». Le but est de confier au système les tâches les plus standardisées. Il simulera, par exemple, les 4 heures de conduite nécessaires pour compléter 4 relais au Mans et évaluer ainsi la constance des pneus. Est-ce pour autant la fin du « vrai » pilote dans le processus de simulation ? Pour l’instant, l’humain conserve le dernier mot : c’est au pilote que reviendra la définition finale du pneumatique et son adaptation à la voiture de course.