
Nautisme et automobile en décalage sur la décarbonation
Le monde de l’automobile est mis sous pression depuis des années pour arriver à décarbonner avant 2035 les voitures neuves qui seront disponibles à la vente. En parallèle, le nautisme est épargné par cette volonté. Les technologies et les solutions arrivent doucement pour proposer une navigation électrique.
Bateau électrique : après Cannes, La Ciotat
Nous avions découvert, lors du salon de Cannes, les difficultés techniques que rencontre le monde du nautisme pour mettre en place des solutions décarbonées en matière de navigation (voir ici). A l’occasion des Nauticales de La Ciotat, c’est sur le volet utilisateurs que notre approche a porté. Sur terre, les constructeurs automobiles, à grand renfort de LOA, leur proposent une large gamme de véhicules électriques plus ou moins aboutis et dont les spécifications techniques correspondent à un usage.
En matière de bateaux, l’offre est déjà nettement moins importante et le marché est naissant. La Fédération des industries nautiques, dans son rapport 2023, affirmait que « le secteur de la navigation de plaisance ne représente que 0,4% du total des émissions de CO2 du secteur Européen des transports et à 4 à 5% des émissions du secteur maritime. »
Mais au delà de ce chiffre, il existe une prise de conscience de la part de plaisanciers dont les navigations sont « electro compatibles ».
La location du bateau électrique, levier de changement ?

Nicolas Wolff, président de Nauticoncept, société qui commercialise notamment l’offre Liberty Pass, fait observer que « nous proposons déjà des bateaux électriques. Cela fait deux ans et demi que nous travaillons sur le sujet. On a commencé par une étude de marché et une enquête auprès des ports, car il faut que les infrastructures suivent. On s’est aussi rapproché de partenaires spécialisés dans le bateau électrique. Aujourd’hui, nous avons plusieurs modèles électriques dans notre flotte : Alize Electronic Lagon 55, x Shore 800, Orphie Boats et E-Sole 750. » Ce dernier était déjà proposé en abonnement l’année dernière. « Nous avons actuellement quatre bateaux électriques parmi les 350 bateaux de notre flotte. Ce n’est pas qu’on ne voulait pas en faire plus, mais jusqu’à récemment :
1. Les bateaux n’étaient pas prêts (problèmes d’autonomie, de fiabilité…)
2. Les infrastructures n’étaient pas là, surtout pour la recharge rapide nécessaire au Hitchshore
3. La maturité du marché client était insuffisante.
Mais ça évolue ! On croit beaucoup en l’E-Sole 750, et le X Shore nous a vraiment impressionnés par ses performances. »
Quand on lui demande s’il y a une demande du public, Nicolas Wolff répond : « Clairement, oui. Avant, les gens ne savaient même pas que ça existait. Aujourd’hui, ils sont moins surpris de voir un bateau électrique. On observe deux types de clientèle :
• Les moteurs : amateurs de sensations fortes, séduits par le X shore.
• Les familles : plus attirées par L’E-Sole, stable, fiable, sans stress d’autonomie.
L’autonomie reste un facteur limitant. Il faut des spots bien identifiés, où les lieux à visiter sont à moins de 20 minutes du port.
Avec l’abonnement, c’est parfait pour démocratiser cette technologie. Ça réduit le risque pour l’utilisateur, lui permet d’essayer avant d’acheter, et crée un cercle vertueux : tester → adopter → acheter éventuellement. On est persuadés que l’abonnement est un excellent levier pour faire décoller le marché. »
Un des freins au développement repose sur le fait que le décret sur l’obligation de proposer des places pour les bateaux électriques dans les ports n’est pas appliqué, même s’il a été voté.
Un bateau électrique adapté

David Brunet, directeur général et cofondateur d’e-soleboat.fr avec son associé Jacques Arrighi (président), a choisi de lancer un bateau électrique dont le cahier des charges vise à répondre aux besoins d’une journée de plaisance typique. « Pas de recherche de puissance, mais de plaisir et de confort, avec une réflexion technique sur l’autonomie. C’est un bateau familial, mais également attractif pour les jeunes sensibles à la question environnementale. »
E Sole Boat pousse aussi la réflexion jusqu’à la construction : liège, contreplaqué epoxy, pensé pour le recyclage. Long de 7,75 mètres, il peut embarquer jusqu’à 8 personnes. La motorisation repose sur un moteur électrique de 12, 24 ou 40 kW avec batteries 96V (4 x 10 kWh). La recharge ne nécessite pas une borne car elle se fait sur une prise de 16A (3 kWh). L’autonomie est pensée pour une journée de navigation (70 % d’utilisation de la batterie par journée) et un système électro-solaire permet une recharge passive à l’arrêt. La vitesse de croisière est de 8 noeuds et celle de pointe de 17. Selon le fabricant, grâce aux panneaux solaires, il sera toujours possible de rentrer au port, à très petite vitesse. Ces derniers fournissent assez d’énergie pour naviguer à 2 ou 3 noeuds. Le poids de 1250 kilos est particulièrement contenu. Un Flyer 7 avec un moteur de 200 chevaux avoisine les 2 tonnes.
Ce bateau est compatible avec le modèle Liberty Pass, à condition d’adapter les créneaux aux capacités de recharge.
Pour David Brunet, le défi principal est « le manque de communication, notamment pour les petites structures et le rôle des loueurs. Ce dernier est un élément clé dans la démocratisation, comme pour la plaisance il y a 20 ans. S’il existait des aides financières comme pour l’automobile, ce serait un vrai avantage. »
Le bateau est vendu 149 500 € TTC, ce qui reste compétitif comparé aux bateaux thermiques équivalents (95 000 à 110 000 €).

Conclusion
L’univers de la navigation de plaisance n’a pas encore entamé sa décarbonation alors que celui de l’automobile est en pleine mutation. L’enjeu environnemental n’est pas le même. Les solutions techniques tardent à arriver, même si on sent une demande de la part des utilisateurs. La location est une bonne façon de découvrir si vos attentes sont en phase avec ce que le produit peut vous offrir.
Texte : P HORTAIL
Photos : DR