La Mercedes 190 E a 40 ans : la « Baby Benz » qui changea tout

Au début des années 80, il n’existait pas d’offre chez Mercedes dans la gamme des petites berlines. Et pour répondre à l’offensive de BMW avec sa Série 3 E30, la « Baby Benz » a germé dans les esprits des Allemands. La plus petite de la gamme, la Mercedes 190, mais néanmoins raffinée, a ouvert une voie.

Celle qui a tout changé, la Mercedes 190

C’est au mois de novembre 1982 que Mercedes-Benz présente à la presse mondiale la 190 et la 190 E. La série « W 201 » inaugurait la classe compacte encore jamais explorée par Mercedes. Et d’ailleurs, cela en deviendra le nom des futurs modèles de série, Classe C (W 202) dès 1993.

Avant l’arrivée de la 190, la Mercedes la moins chère du catalogue était l’équivalente de la Classe E d’aujourd’hui. Un premier modèle hors d’atteinte pour une certaine classe sociale. La « Baby Benz » n’était pas seulement précurseur de la Classe C, mais aussi celle des Mercedes ‘abordables’.

Mais en dehors de son positionnement sur un nouveau marché, ce n’est pas le seul argument qui a rendu célèbre la 190. Près de 40 ans après leur sortie, on se rend compte que le design n’a pas tant vieilli et reste encore une référence pour l’époque.

Intemporelle ‘Baby Benz’

Outre un design moderne, dû à Bruno Sacco, celle qu’on dénomma vite « Baby Benz” bénéficiait par ailleurs d’un très haut degré de sécurité passive. Elle bénéficiait d’une très bonne aérodynamique et était conçue sur l’allégement des masses.

Oui, il s’agissait d’une berline tri-corps traditionnelle avec une calandre Mercedes géante tout aussi traditionnelle. Mais à y regarder depuis un autre angle en retrait de cette calandre et des phares, la façon dont le nez et la queue s’effilent pour donner à la voiture un aspect plus petit et moins massif. Ainsi, avec un Cx de 0,33, c’était assez radical pour une Mercedes, et sur le même segment la concurrence en suivait pas (BMW).

Et pour ce modèle Mercedes n’a pas hésité a breveter une innovation. C’est une suspension arrière indépendante dite « multibras », où chaque roue arrière est supportée par cinq liens indépendants. Ce choix permettait d’obtenir un confort de très haut niveau et, surtout, une très grande précision de comportement.

Grandeur et décadences

Seules les versions 190 et 190 E furent disponibles durant l’année 1983. Les premiers modèles disponibles étaient des 4 cylindres 2,0l essence de 90 ch (carburateur) et 122 ch (injection). A l’autonome, au Salon de Francfort 1983, Mercedes dévoile la 190 D atmosphérique de 72 ch. Un diesel vraiment anémique (0-100 km/h en… 17″7) mais grâce à la bonne insonorisation, il hérita du surnom « diesel qui murmure ».

C’est aussi au cours de l’année 1983 que la 190 E 2.3-16 fit son apparition. Elle avait sous son capot, le 4 cylindres à 16 soupapes conçu avec Cosworth. Le moteur développait 185 ch et annonçait un certain caractère sportif. Elle allait battre des record d’endurance (25 000 et 50 000 km) sur l’anneau de Nardo en Italie, à des vitesses de 250 km/h.

Les années suivantes, Mercedes-Benz étendit la gamme190 de manière conséquente. Apparurent ainsi de nouveaux modèles « export », comme les 190 D 2.2 et 190 E 2.3, spécialement conçus pour le marché nord-américain. En 1985, une 190 D 2,5l (5 cylindres de 90 ch) et en 1986 le tout premier 6 cylindres, avec la 190 E 2.6. Designers et ingénieurs offrirent à cette « classe compacte” deux facelifts, en 1988 et en 1991.

S’imposer comme un modèle incontournable

L’escalade de la puissance se poursuivit avec la 190 E 2.5-16 de 195 ch. Une version plus puissante « Evolution » verra le jour avec 235 équidés. C’est à partir de ces versions que Mercedes s’engagera sur les circuits, et notamment en DTM. C’est ainsi au volant d’une AMG-Mercedes 190 E 2.5-16 Evolution II que Klaus Ludwig remporta le DTM en 1992.

« Aucune autre voiture n’a éveillé autant de curiosité que ce nouveau modèle, du au plus ancien constructeur automobile du monde », écrivit le magazine Auto, Motor und Sport en 1983 à propos de cette nouvelle classe compacte. Une sensation de modernité et de fraicheur, associée à une technologie d’avant-garde. Le tout sur un segment encore jamais abordé par la marque. Tels étaient les ingrédients qui firent mouche auprès du grand public comme de toute la « profession automobile » à l’époque.

Quelques écueils dans la carrière de la 190

Mercedes a également raté des ventes potentielles en n’ayant pas de variante à deux portes ou de cabriolet. Bien qu’elle semble avoir envisagé une bicorps à un moment donné, Mercedes en a même fabriqué quelques prototypes. Et ses projets de rallye ont été démolis par l’arrivée de l’Audi Quattro à transmission intégrale. Tandis qu’en piste, la 190 à 16 soupapes a eu du mal à devancer sa rivale BMW M3. Il faudra attendre la 190 E 2.5 Evolution II qui remporta finalement le championnat DTM en 1992.

Et la grande rivale de l’époque, la BMW Série 3 E30 s’est mieux vendue que la ‘Baby Benz’. C’est presque évident si l’on tient compte que la Bavaroise possède plus de déclinaisons de carrosseries. De la berline, au coupé, au break en passant par le cabriolet, la 190, elle, n’a connu qu’une seule version. BMW écoulera 2,3 millions d’exemplaires de sa Série 3 contre 1,8 million pour la petite Mercedes.

Un artisan créa la « Classe A » avant l’heure

Alors que Mercedes était réticente à l’idée de décliner sa 190 en version coupé, un ingénieur automobile allait s’en charger. Bien avant la Classe A « basse », rivale d’une certaine Volkswagen Golf, des prototypes furent imaginés par cet ingénieur. Eberhard Schulz a décidé de créer sa propre compacte : la « 190 E City ». Il eut l’idée de proposer ce modèle comme une citadine huppée, bien motorisée mais pouvant mieux se faufiler en ville.

Il prend une 190 E de base, et lui découpe la malle pour greffer un arrière de break Mercedes S124. Un Frankenstein de l’automobile pour l’époque, mais qui esthétiquement fonctionne plutôt bien aujourd’hui. En connaissant le futur de la gamme Mercedes, on aurait pu aisément croire en cette 190 E City. Alors que les petites compactes de l’époque plafonnaient à 110/120 ch, cette « City » était équipée du 6 cylindres 2.6 de 160 ch.

Malheureusement, le processus de conversion n’a pas été facile, et ne fut pas bon marché non plus. Plus précisément, personne ne semblait vouloir payer le prix demandé face à d’excellentes alternatives comme la Volkswagen Golf GTI. Ces photos de presse de l’époque avaient pour but de susciter de l’intérêt. Il fallait trouver des investisseurs et des liquidités, mais ce ne fut pas suffisant. L’ingénieur assemblera quatre exemplaires, mais Mercedes ne voulait pas y voir le logo dessus.