Marché automobile : vers une catastrophe inévitable ?

Avec cette deuxième période de confinement, tous les espoirs nourris par les bons chiffres de l’été sont en passe d’être anéantis. Pire, le mois d’octobre a été mauvais avec près de 10 % de baisse en comparaison de 2019. Sans aucune certitude d’un avenir meilleur.

Depuis au moins 20 ans, il s’immatricule chaque année en France environ 2 millions de voitures. Parfois 1,8 million, parfois 2,2 millions, mais toujours 2 millions en moyenne. Les fluctuations s’expliquent par les mesures de soutien successives apportées par le Gouvernement, à l’instauration de nouveaux bonus-malus, ou quand les plans produits des constructeurs sont un peu faibles. Nous avons eu les Baladurette, Jupette, Sarkozette, et toutes ont eu le même effet : un boost des ventes au moment de leur mise en place, et un contrecoup l’année suivante, les gens ayant avancé leur achat pour profiter de la grosse prime ne changeant pas de voiture tous les ans.

Mazda CX-3 restylé 2021
Mazda CX-3 restylé 2021

En 2020, même si le marché a été porté par de multiples aides, aussi bien des bonus généreux que des primes à la conversion, il se murmure qu’on pourrait bien descendre à 1,6 million (voire un peu en-dessous) de voitures vendues, soit un chiffre historiquement bas.

Trois mois de fermeture…

La cause aux presque trois mois de fermeture des concessions à partir de mars, mais pas seulement. Car aujourd’hui l’inquiétude domine, et il apparait difficile de se projeter dans quoi que ce soit aussi bien d’un point de vue personnel que professionnel. En clair, il est urgent d’attendre. Mais le mal qui touche l’automobile, et la mutation qui nous attend, sont plus profonds. Il y a aussi un mouvement sociétal qui fait que la voiture neuve pourrait moins bien se vendre !

Aujourd’hui, les jeunes sont moins pressés de passer le permis car on leur dit que ça ne sert à rien. On fait même entrave au passage de l’examen en limitant le nombre d’inspecteurs. Actuellement, si on le droit de passer son permis, notamment moto, on n’a toutefois pas le droit de prendre des leçons de conduite… 

Les mairies des grandes villes font aussi la chasse à la voiture : amendes majorées, disparition des places de stationnement, fermeture de voies… tous les moyens sont bons pour contraindre l’automobiliste à abandonner sa machine. Mais au profit de quoi ? Certaines mairies rechignent même à autoriser la construction de parkings dans des programmes de logements neufs, arguant que pour aller en centre-ville ville on n’a pas besoin de voiture. Il convient donc d’imaginer que les gens qui achèteront ces appartements n’iront jamais voir leur famille, en vacances, et ne pratiqueront aucun sport ou activité nécessitant de matériel.

Essai Citroën AMI électrique 2020
Essai Citroën AMI électrique 2020

Le pire reste à venir

La crise sanitaire, qui est en train de devenir économique et sociale, n’a sûrement pas fait tout le mal qu’on redoute. En regardant une photo instantanée du business « VN », on observe qu’il s’est vendu en France depuis le début de l’année 1,34 millions de voitures neuves. C’est 390 000 de moins que l’année dernière.

Il y a le confinement, la crise, bien sûr, mais pas seulement. Les ventes à société sont pour l’instant solides, mais pour combien de temps ? Le télétravail, a priori bon pour la planète puisqu’il limite les déplacements (mais fait chauffer les serveurs des usines qui font fonctionner internet et qui dégagent aussi beaucoup de CO2), va avoir des conséquences importantes. Moins de voitures, mois de kilomètres parcourus, moins d’entretien = moins de business, moins de taxes et moins d’emplois. Un cercle vicieux.

Ce n’est pas une vision noire du sujet, c’est une conséquence naturelle de nos nouveaux choix, imposés par une crise dont il restera quelque chose. On remarque que de nombreux constructeurs limitent leurs déplacements dans leurs propres réseaux, mais que certains avaient déjà inscrit cette mesure de sédentarisation des équipes. Par exemple, PSA avait de toute façon prévu de rendre les clés de son siège social de Rueil-Malmaison en juillet dernier, et de répartir les postes sur deux sites existants, avec 4 jours sur 5 de télétravail. 

L’autre difficulté de monde automobile, c’est l’électrification. En marge des problématiques de prix, d’autonomie et de recharge, les réseaux de distribution font devoir faire face à une baisse de leurs revenus non seulement sur le nombre de voitures, mais aussi sur les entrées en atelier. Si la voiture électrique a des vertus, elle est aussi plus simple sur le plan mécanique, demande peu d’entretien et préserve plus longtemps ses pièces d’usure. A termes, il va faire vilain temps pour les concessionnaires et les réparateurs indépendants. 

On va alors assister à une seconde mutation. Aujourd’hui, la majeure partie des gens n’achètent plus leur voiture, mais la louent. Avec ou sans option d’achat. Demain, la progression des voitures électrifiées, qui arrivent à marche forcée sur notre marché, va accentuer le phénomène. Mais aussi éloigner de plus en plus de monde de l’achat d’une voiture neuve. Les normes Euro 7, en 2025 ne vont pas seulement faire disparaitre le diesel. Elles vont détruire des emplois, au prétexte d’une économie rendue complexe par des décideurs qui en veulent pas entendre que le temps industriel n’est pas celui de la politique. Que les innovations n’apparaissent pas enchantement à sortie de l’Assemblée Nationale ou du Sénat. 

Hopium Machina Hydrogène
Hopium Machina Hydrogène

Qui gagne au final ?

Il parait que chaque crise ouvre des opportunités. Cette fois, le grand gagnant pourrait être le marché de l’occasion, seule soupape économique de rentabilité à court et moyen termes pour les garagistes de tous poils. Avec près de 6 millions de transactions en France pour l’année 2020, l’occasion va battre un record. Le neuf va en battre un autre, et l’histoire retiendra que ce qui nous est présenté comme un progrès nous ramène finalement en arrière, en maintenant à la route un parc de 40 millions de voitures qui vieilliront plus ou moins bien. 

Personne ne s’est visiblement posé la question de savoir s’il ne serait pas intéressant de continuer les efforts faits sur le développement des moteurs thermiques sur lesquels tout le monde a investi depuis des décennies, tout comme les matériaux pour rendre les voitures plus légères. Les politiques ont préféré une rupture technologique, sans mesurer la portée de leur décision, ni celle des approvisionnements matières premières censées nourrir leurs ambitions.

Didier LAURENT

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