
Trois Dacia Sandrider au départ du Dakar
Le vendredi 3 janvier 2025 les concurrents du 47ème Dakar s’élanceront depuis l’Arabie Saoudite. Pour sa première participation, Dacia alignera trois Dacia Sandrider au style particulièrement travaillé. Avec au bout du capot un espoir de victoire.
Didier LAURENT
Le constructeur roumain du groupe Renault n’a pas fait les choses à moitié pour sa première participation au Dakar, où il a engagé trois Dacia Sandrider. Il s’est appuyé sur le savoir-faire de l’entreprise britannique Prodrive pour le développement et l’exploitation de la voiture (laquelle est équipée d’un moteur V6 Nissan). Puis il a recruté les meilleurs pilotes de la discipline – Nasser Al-Attiyah et Sébastien Loeb-, la troisième voiture étant confiée à Cristina Gutierrez Herrero. Restait à définir le design de la voiture, qui a ici été pensé par le centre de style de la marque, aussi bien pour l’extérieur que l’intérieur.
Loeb et Al-Attiyah invités au centre de design de Dacia
Les pilotes ont été conviés chez Dacia pour découvrir les différentes possibilités, et ont été surpris d’une telle méthode de travail mise à leur disposition. Il est vrai que d’ordinaire les équipages prennent possession de leur voiture de course sans avoir leur mot à dire sur la forme de la carrosserie ! Mais au Dakar, et alors que le projet partait d’une feuille blanche, Dacia en a profité non seulement pour imposer son style sans forcément emprunter celui d’un modèle de route existant, mais aussi pour créer du lien avec les équipages et en leur proposant du sur-mesure. Ils leur ont ainsi mis à disposition un « outil » sur-mesure leur permettant d’être à l’aise pour tenter de performer. David Durand, le directeur du design de Dacia, nous explique ce long travail tripartite, entre la Dacia, Prodrive, et les équipages.



L’Agenda de l’Automobile : êtes-vous partis de la base Prodrive existante, ou avez-vous demandé des modifications ?
David Durand, directeur du design de Dacia : notre partenaire a fourni la structure et la mécanique de la voiture, et nous avons travaillé avec eux pour appliquer notre style, aussi bien concernant le design extérieur qu’intérieur. Nous ne voulions pas simplement faire un gros chèque pour faire apparaître notre nom sur le Dakar, nous voulions aussi montrer que le département design pouvait apporter quelque chose à la course.
C’est-à-dire dans un style « essentiel », comme les Dacia de route ?
Nous ne sommes pas des spécialistes du sport automobile, mais nous voulions, en concertation avec l’équipe d’exploitation de la voiture, produire un buggy de course qui porte notre style et qui en même temps apporte quelque chose aux équipages. Nous avons travaillé longuement sur de nombreux détails afin de rendre la voiture la plus compétitive possible, y compris dans son style.



De quelle manière le design peut aider à la performance ?
Sur le Dakar en particulier, mais c’est vrai pour le rallye-raid en général, il faut un design qui permette d’avoir la meilleure vision possible de la piste, aussi bien à l’avant que sur les côtés. Après en avoir parlé avec les pilotes, nous avons décidé d’abaisser au plus bas la lèvre du pare-brise avant (modification faite après le Rallye du Maroc, Ndlr), et de repousser les montants au maximum sur les côtés. Cela faisait partie des demandes des pilotes.
Quels ajustements ont été demandés par Sébastien Loeb ?
Chaque pilote a sa propre vision de la position de conduite idéale, mais Seb nous a particulièrement demandé de faire en sorte qu’il puisse voir au maximum vers l’avant. Il s’agit d’anticiper le haut et le bas des dunes afin de les appréhender à la meilleure allure possible. Pour l’avant, on a cherché à garder un lien avec notre concept-car Manifesto, mais nous nous sommes concentrés sur les besoins en matière de pilotage avec un capot court, incliné et flottant. Le but était de la faire disparaître du champ de vision pour ne rien louper sur la piste.


Est-ce que l’aérodynamisme est important pour ce genre de véhicule ?
Oui c’est important et nous avons longuement échangé avec notre partenaire sur ce sujet. Nous avons été très réactifs, avec des équipes super engagées. Chaque matin nous proposions des solutions grâce à des plans numériques, et Prodrive les passait dans la journée en soufflerie numérique. Nous avons alors pu constater qu’un écart de 10 mm pouvait changer beaucoup de choses.
Le Dakar, c’est aussi des besoins en termes de praticité, notamment pour s’extraire de la voiture et travailler autour. Comment avez-vous combiné cet aspect ?
Là aussi nous avons beaucoup échangé avec les équipages, afin de comprendre ce qu’on pouvait améliorer sur la base de leur expérience. Par exemple, nous avons choisi de ne pas couvrir les roues de secours afin qu’elles soient plus rapidement accessibles. Nous avons travaillé aussi sur les emplacements des plaques de désensablage, car chaque pilote ne les utilise pas de la même manière. Par exemple, Seb n’en embarque deux alors que Nasser en veut 6. Il faut donc trouver un bon compromis. Nous avons aussi positionné des caoutchoucs sous le châssis pour protéger des pièces en carbone. Cela fait moins de boulot pour les mécanos, le soir au bivouac.

Est-ce que ce travail vous a permis de faire des trouvailles ?
Mieux que ça. Quand les pilotes ont vu débarquer le département « Couleurs et Matières » dans nos réunions, ils ont été un peu surpris. En général, on ne parle pas tellement des tissus ou des motifs à bord d’une voiture de course… Mais ici leur démarche était double. Non seulement il s’agissait de parler de l’agencement intérieur car ils passent énormément de temps dans la voiture, et souvent dans des conditions difficiles (j’ai fait 4 tours en essai avec Nasser et j’ai bien, bien compris que le métier de copilote était très dur physiquement), mais aussi d’innover. Or, c’est ce que nous avons fait en mélangeant des particules anti UV avec le carbone, ce qui a pour bénéfice de faire descendre la température dans l’habitacle. En plein désert ça compte…
Combien de degrés avez-vous gagné ?
Difficile de le savoir dans un habitacle de voiture de course en fonction de différents paramètres, mais lors des essais que nous avons réalisé en faisant des tests avec des pièces carbone en laboratoire (pour vérifier aussi que l’ajout de particules ne les fragilisait pas, Ndlr) nous avons constaté jusqu’à 10 °C d’écart. Après nos tests nous avons d’ailleurs déposé un brevet.
Quel a été votre niveau d’intervention à l’intérieur du buggy ?
Nous avons travaillé avec des lunettes de réalité virtuelle, qui ont été utilisées par chaque équipage afin de leur faire un habitacle presque sur-mesure. Ainsi, nous avons pu optimiser la position du volant, des écrans, des espaces de rangement, et aussi l’ergonomie. Cela peut sembler être un détail, mais si un copilote échappe un stylo ou un carnet et qu’il faut s’arrêter pour le ramasser, c’est du temps perdu. Nous avons aussi ajouté une peinture anti-reflet sur le tableau de bord, qui reste modulable selon les envies et les besoins de chacun. Pour notre département design, cette aventure a été avant tout humaine. Nous avons gagné au rallye du Maroc, maintenant tous les espoirs sont permis pour le Dakar.