Camion Volvo Electric : l’avenir du poids lourd ?

Le constructeur suédois a mis sa gamme de camions électriques à l’essai sur le circuit Maison Blanche du Mans. Un moment très instructif, à la fois passionnant et impressionnant.

Quand on aime les moyens de transport, il y a les voitures de sport, les avions, les motos et… les camions. Volvo Trucks l’a bien compris et a axé le développement de sa nouvelle gamme Electric sur le plaisir de conduite. Il parait que l’électrique, c’est fantastique. Et pour beaucoup, prendre le volant d’un poids lourd, pour une heure ou une vie, c’est même un rêve de gosse. Ceux qui sont aujourd’hui cinquantenaire ont connu des générations de poids lourds dont le moteur faisait un bruit caractéristique. En compétition, ceux qui font le Dakar ou les 24H Camions donnent des frissons, souvent grâce à l’expression de leur mécanique. Dans quelques années, les jeunes générations connaitront plutôt le bruit des déplacements d’air et du frottement des pneus sur la chaussée. Il faut vivre avec son temps.

La gamme Volvo Electric

Les plus petits camions de la gamme, les Volvo FL et FE, sont limités à un poids total de 26 tonnes en charge. En fonction des besoins des exploitants, ils peuvent recevoir jusqu’à six packs de batterie (4 pour le FL) d’une capacité de 66 kWh chacun. Pesant 575 kg, chaque pack réduit d’autant la capacité de charge. D’où l’importance de bien analyser ses besoins avant de passer commande. Heureusement, Volvo Trucks dispose d’outils de simulation qui permet de savoir exactement comment il faut configurer le véhicule afin qu’il remplisse sa tâche. En moyenne, le FL revendique une autonomie de 200 km, et le FE de 300 km.

FE et FL pour les petits, FM, FMX et FH pour les gros : voici les deux gammes de camions Volvo, transposées du thermique à l’électrique

La gamme lourde -FM, FMX et FH- reçoit quant à elle de deux à six packs de 90 kWh. Ils ne pèsent chacun « que » 500kg ». Côté autonomie, le FM revendique jusqu’à 320 km en fonction de la typologie du tracé. Ce chiffre passe à 350 km pour le FH, et 380 km pour le FM dont la cabine est un peu plus basse.

Conduire un Volvo FM Electric : un jeu d’enfant !

Monter à bord d’un tel engin demande un petit peu d’exercice. Une fois sur le siège conducteur, on s’aperçoit de l’excellent niveau de confort offert. Ils sont bien lotis nos amis conducteurs routiers ! Siège moelleux, commandes ergonomiques, ambiance détendue, pas de vibration grâce à l’électrique, tout y est. Lors des premiers mètres, il faut appréhender les proportions de l’engin, surtout pour quelqu’un qui n’a pas le permis poids lourd. Avec 2,5 m de large, 16,5 m de long, chargé à 44 tonnes, notre FM Electric impose le respect. L’important couple et les 670 ch combinés des trois moteurs électriques nous permettent de démarrer sans peine, même chargée. La boîte de vitesses à 12 rapports I-Shift, conservée de la version thermique, fait le job en générant parfois de petits à-coups. La direction nous a semblé très démultipliée et peu précise. Mais il semblerait que notre manque d’expérience au volant soit en cause. On doit s’y habituer. C’est vrai qu’il vaut mieux que ce genre de véhicule ne soit pas doté d’une direction trop directe… L’autre point déstabilisant pour le novice, c’est le douceur, voire la « mollesse » des suspensions. Mais là aussi il faut comprendre toutes les caractéristiques et percevoir le compromis à trouver entre « en charge » et « à vide ».

Choisir le bon mode pour aller plus loin

Ceux qui ont déjà conduit une voiture électrique de bon niveau ne seront pas dépaysés. A bord de « notre » FM, en mode « roue libre », le frein moteur est inexistant à la relâche de la pédale d’accélérateur. On poursuit sa route le plus longtemps possible sans consommer. En mode « one pedal », c’est l’inverse. Le camion gère seul la décélération. Il décide de la puissance du frein moteur en fonction de la configuration et peut aller jusqu’à l’arrêt. Dans ce cas, l’énergie cinétique dégagée par les phases de ralentissement recharge les batteries. Le mode automatique, enfin, mixe les deux. En-dessous de 55km/h, il ralentit l’ensemble routier, et au-dessus il passe seul en « roue libre ». C’est un bon compromis en fonction des itinéraires empruntés. Les modes sont par ailleurs faciles à activer, via un commodo derrière le volant.

Puissance de recharge

Il est important de comprendre que la conduite et la sélection des programmes ont un impact direct sur l’autonomie. C’est vrai en thermique, mais c’est capital en électrique. Quand les réservoirs de gazole sont vides, un arrêt en station de quelques minutes règle le problème. Mais en électrique… Tout dépend également de la puissance de la borne et des capacités de recharge des véhicules. Les FE et FL sont par exemple dotés de chargeurs embarqués de 22 kW en courant alternatif et acceptent 150 kW en courant continu (sur borne rapide). Cela veut dire qu’un pack de 66 kWh demande trois heures de charge. Alors quand il y en quatre… Pour les FM, FMX et FH , les puissances de charge sont portées à 43 kW et 250 kW en courant continu. Encore faut-il trouver une borne haute puissance.

Une réalité de marché

Le camion électrique arrive mais va mettre un peu de temps à s’installer. Il ne convient pas encore à toutes les utilisations. Comme toujours en matière d’électromobilité, le problème n’est pas le véhicule. C’est l’éternelle histoire de l’oeuf et de la poule : les bornes n’ont pas lieu d’être sans camion, et les camions électriques ont besoin de bornes pour se développer.Volvo Trucks et d’autres constructeurs travaillent actuellement sur un projet de 1 700 chargeurs haute puissance pour les autoroutes européennes. C’est un bon début, mais ce sera insuffisant. En parallèle, le développement des camions fonctionnant à l’hydrogène va bientôt donner des résultats. Volvo Trucks indique d’ailleurs qu’il mettra ses premiers modèles en circulation à partir de 2025. Ensuite, les choses devraient s’accélérer. Volvo prévoit qu’en 2030 les camions électriques, à batterie ou à pile à combustibles, constitueront 45% de ses ventes.

En 2040, le constructeur suédois espère être neutre en carbone à 100 %. 80 % de ses camions seront électriques, 10% utiliseront du gaz, et 10% utiliseront des bio-carburants ou des carburants de synthèse. Une feuille de route ambitieuse.

Bilan de l’essai

Volvo Trucks joue gros avec sa nouvelle gamme Electric. Elle est beaucoup plus chère et impossible à amortir comme un camion thermique. Mal subventionné par l’Europe, le camion électrique a pourtant ses adeptes. Certains clients font un effort financier car ils y perçoivent un gain en image pour leur entreprise. La bonne volonté et les moyens des uns des autres pourraient alors faire émerger assez vite cette technologie nouvelle pour le camion. Le produit est au point, il ne manque plus que l’éco-système qui va autour.