Formule E  : Lucas Di Grassi, le nouveau roi de l’électrique. BMW, Porsche et Mercedes arrivent.

Le Brésilien remporte la 3e saison de Formule E en ayant profité des déboires de son principal rival, Sébastien Buemi. 

Dimanche après-midi, à quelques mètres de la piste surchauffée (47° C au sol) située au cœur de Montréal, Alain Prost a le sourire crispé. Les yeux rivés sur l’écran, il assiste à un week-end cauchemardesque pour l’écurie Renault e.dams, qu’il co-dirige avec Jean-Paul Driot. Leader du championnat avant de débarquer au Canada, avec 10 points d’avance sur son rival Lucas di Grassi, Sébastien Buemi n’est jamais parvenu à défendre sa couronne suite à un enchainement d’erreurs et de déboires.

Buemi, le crash qui change tout

Sébastien Buemi (CHE), Renault e.Dams at FIA Formula E Montreal ePrix 2017 round 11-12, Montreal , Canada, 29/7/2017. Photo : Jérôme Cambier

Dès le samedi matin, la tension était palpable dans le garage de l’écurie française. Au cours de la 2ème séance d’essais libres, Sébastien Buemi perd le contrôle de sa monoplace et percute violemment l’un des murets encerclant la piste. Grâce à une dérogation, il participe néanmoins à la qualification une heure plus tard avec sa deuxième voiture, car il faut changer la coque de son autre monoplace, ce que normalement le règlement ne permet pas. Mais il faut sauver le duel qui s’annonce et éviter que Di Grassi soit champion avant même d’avoir pris le départ, alors on peut comprendre la décision de la direction de course.

Alors que Di Grassi survole la séance de qualifications en étant le seul pilote à passer sous la barre des 1’23’’, le Suisse signe quant à lui le 2e temps. Malheureusement, il sera rétrogradé à la 12e place sur la grille de départ, ayant dû remplacer la batterie sur l’une de ses deux voitures. La loi des séries…

A l’extinction des feux, Di Grassi débute en cavalier seul. Buemi, lui, galère : il chute en 16e position avant de se lancer dans une remontée délicate. Malgré plusieurs contacts avec Daniel Abt (Abt Schaeffler Audi Sport) il parvient toutefois à se hisser en fin de course en 4e position. Di Grassi, attaqué par Jean-Eric Vergne (Techeetah) résiste et s’offre une 2ème victoire de la saison, sa 6ème en Formula E, ce qui lui permet de prendre le contrôle du championnat. Sur le podium, il est entouré par les deux pilotes Techeetah, Jean-Eric Vergne et Stéphane Sarrazin, déjà présent dans le trio de tête il y a quinze jours à New York.

Di Grassi savoure, Buemi déguste

Lucas di Grassi (BRA), ABT Schaeffler AUDI Sport at FIA Formula E Montreal ePrix 2017 round 11-12, Montreal , Canada, 29/7/2017. Photo : Jérôme Cambier

« Et merde » lâche le tenant du titre avec dépit avant de reprendre ses esprits et de rappeler que « le titre n’est pas encore joué ». Pourtant, une poignée d’heures plus tard, le Suisse est disqualifié à cause du poids non conforme d’une de ses monoplaces. Il accuse finalement 18 points de retard sur Di Grassi, et voit le titre qui lui semblait promis d’éloigner.

Le lendemain, Buemi continue d’accumuler les problèmes. Un blocage de roue en qualification le relègue en 14e position sur la grille de départ. Di Grassi, lui, assure en empochant le 5ème temps au cours d’une séance remportée par Felix Rosenqvist (Mahindra). Le rookie s’offre ainsi sa 2ème pole position en Formule E.

Dès le premier virage, après un accrochage entre Abt et Sarrazin, Buemi endommage l’arrière de sa monoplace dans la pagaille. Il rejoint les stands et sait déjà qu’il n’a presque plus aucune chance de conserver son titre. Son coéquipier, Nicolas Prost, n’a pas plus de réussite : après avoir écopé d’une double pénalité qui l’a forcé à partir en fond de grille, il doit abandonner. Renault conserve néanmoins le titre constructeurs d’une courte tête (20 pts) devant Abt Schaeffler Audi Sport. Chez le rival allemand, le titre de Di Grassi, 6e de la course, suffit au bonheur des mécaniciens et des ingénieurs.

Vergne s’invite à la fête 

Jean-Eric Vergne (FRA), Techeetah at FIA Formula E Montreal ePrix 2017 round 11-12, Montreal , Canada, 28/7/2017. Photo : Jérôme Cambier

Sur le dernier podium de la saison, La Marseillaise a également retenti. En effet, pour la première fois depuis qu’il pilote en Formule E, Jean-Eric Vergne s’est imposé. Le Français, parti 2ème, est parvenu à dépasser Rosenqvist avec talent en fin de course.

Il convient de préciser que les Montréalais ont apprécié la Formula E, dont la promotion a été confiée à Evenko, l’une des plus grosses agences du pays. « Il a fallu s’armer de patience pour accéder et stationner, convient Agathe, venue de Vancouver. Mais le spectacle est au rendez-vous ! Ce n’est pas comme avec la F1 où tout se passe sur l’île Notre-Dame. Là, c’est toute la ville qui vibre grâce à la course ! »

BMW, Mercedes et Porsche arrivent en Formule E

Le scénario de ce dernier week-end de course n’a pas seulement enthousiasmé le public montréalais : il a également renforcé les convictions des constructeurs qui se sont engagés récemment dans la discipline. BMW (dès 2018), Mercedes et Porsche (à partir de 2019) sont les derniers à avoir annoncé qu’ils rejoindraient le championnat. Il s’agit de choix forts, d’autant que Mercedes abandonnera le très populaire DTM alors que Porsche fera une croix sur son engagement en Endurance (LMP1).  La Formule E, observée parfois avec circonspection lors de ses débuts, est donc devenue « the place to be » dans le sport automobile.

Mais pour Pascal Couasnon, à la tête de Michelin Motorsport, un des membres fondateurs de la discipline, ces annonces sont logiques : « les constructeurs vont pouvoir communiquer auprès d’un public plus large. En organisant des courses en centre-ville, la Formule E amène la compétition aux portes des habitants, auprès d’une population qui n’est pas forcément passionnée de sport automobile. Il en est de même pour nous, qui utilisons également la compétition comme un laboratoire de développement de nos futures technologies. En fait, la Formula E est la parfaite synthèse entre besoins marketing, notoriété et technologie. Nous sommes finalement tous là pour les mêmes raisons ! »

Après la trêve et les essais d’avant-saison, qui débuteront le 2 octobre à Valence, un nouveau chapitre débutera à Hong Kong en décembre où les tickets s’arrachent déjà. La Formule E est clairement rentrée dans une nouvelle ère.

Didier LAURENT

Photos : Cambier (sauf « podium » Galerie : Max Malka)