Peugeot 9X8 : dans les coulisses d’une séance d’essai
Telle une petite souris, nous nous sommes glissés dans les coursives du circuit du Castellet pour voir rouler la Peugeot 9X8. Et nous y avons vu de drôles de choses.
« Je te préviens, il faut que tu mettes un autocollant sur l’appareil photo de ton téléphone », prévient un membre de l’écurie à mon arrivée. « D’une part tu verras que la voiture est noire, sans sponsor, mais aussi qu’il manque des pièces. On ne veut pas de photos de la 9X8 dans la presse sous cette forme. »
C’est vrai qu’en arpentant les garages loués par Peugeot Sport pour sa semaine d’essai, on croise pas mal d’éléments en carbone brut, des piles de pneus, et plusieurs mini-ateliers. Par exemple, les hommes de Peugeot Sport sont capables de réparer le carbone sur place. Sauf quand les échappements le font brûler, et qu’il faudra trouver un autre matériau pour entourer les sorties en surface du capot arrière. Ce sera de l’aluminium, ou du titane si cela ne va toujours pas.
Un bruit caractéristique
En ce matin de la mi-février, la météo est clémente et la température encore un peu fraîche. Au loin, on entend le V6 biturbo de la Peugeot 9X8 qui vient de prendre 8 000 trs/mn en passant devant les stands. Nous sommes à l’autre bout du circuit, pour voir la voiture passer. Au bout de trois tours, elle s’arrête. La raison ? Une énième vérification après deux jours et deux nuits de galère. La vie normale du développement d’une voiture de course.
« Depuis notre première séance de travail (en Espagne, sur le circuit d’Aragon, Ndlr), nous avons traité tous les défauts que nous avions précédemment identifiés, explique François Coudrain, Directeur Powertrain du programme WEC de Peugeot Sport. Nous en avions éliminé un certain nombre avant d’arriver ici, grâce à des essais au banc. Mais, le fait de les résoudre fait généralement apparaître d’autres choses une fois sur la piste, et c’est ce que nous traitons ici. C’est le cours normal de la mise au point d’une voiture de course. » Le but initial était de rouler 30 heures sans s’arrêter… Ce sera pour la prochaine fois.
Pourtant, au cours de la nuit précédentes, les choses semblaient s’être décoincées. Après plus de 48 heures sur place, le pilote français Loïc Duval avait réussi à faire son premier relais. Il avait même enchainé plusieurs séries de 30 tours.
Aileron ou pas aileron sur la 9X8 ?
C’est la question que tout le monde se pose, après la révélation d’une voiture dépourvue de d’appui aérodynamique à l’arrière. La voiture qui tournait au Castellet était conforme aux photos. Sans aileron. « L’objectif est de conserver le design initial », indique Linda Jackson, la directrice-générale de Peugeot, avec qui nous avons échangé par visio. « Toutefois, nous devons encore valider cet aspect à la lumière des résultats de nos tests de développement. » On pourrait donc croire que rien n’est joué, mais les hommes de la technique se veulent plus confiants en la matière. « Nous sommes davantage dans des phases de validation que d’exploration », explique François Coudrain. « Nous avons passé des mois à faire des simulations informatiques, à dessiner chaque pièce de la voiture pour tenter de tout mettre ensemble avant de lancer la production des différents éléments et de les assembler physiquement. Grâce au travail réalisé en amont, nous connaissions les performances théoriques de la 9X8 avant de la mettre sur la piste, y compris en termes d’aérodynamisme. Pour le moment, nous sommes dans notre programme et tout se déroule comme prévu. »
Le Mans ou pas Le Mans ?
L’autre question, puisque celle de l’aileron semble aujourd’hui réglée, c’est l’éventuelle participation de Peugeot Sport à l’édition 2022 des 24 Heures du Mans. Peugeot Sport s’est engagé dans le championnat pour la saison, mais ne sait pas encore à quel moment il fera son entrée en compétition. « Pour participer au Mans, il faut aussi être aux 6 Heures de Spa-Francorchamps, qui ont lieu le 7 mai », continue François Coudrain. « Ce qui veut dire qu’il faudrait que la 9X8 soit homologuée en avril, ce qui n’est pas impossible. Mais nous prendrons le temps nécessaire pour être prêts, car une fois homologuée la voiture ne pourra plus évoluer sur beaucoup de points jusqu’à la fin de la saison 2025. L’objectif premier est de faire une voiture fiable et satisfaisante en termes de performances avant de s’engager. Nous ne rentrerons pas dans le championnat sans avoir atteint nos objectifs sur ces deux critères.» Ce qui veut dire à Spa dans le meilleur des cas, sinon plutôt à Monza (Italie) en septembre.
Des essais pour tout régler
D’ici là, les équipes de Peugeot Sport vont multiplier les journées d’essai, dont le nombre restera secret. Tout comme le choix de l’un des deux diffuseurs que nous avons vus dans les garages, ou d’autres pièces en test sur ce puzzle de technologie qu’est la 9X8. Côté pilotes, les échos sont assez bons, également. « J’ai pris le volant ici pour la première fois hier », indique Kevin Magnussen, croisé sur place. « J’ai aussi roulé de nuit, j’ai eu l’opportunité de faire un vrai relais, et je trouve que tout cela est positif pour un début de mise au point. Le feeling est bon, je n’attendais rien de particulier de la voiture mais je dois dire que j’ai été plutôt séduit.»
Il n’y a plus maintenant qu’à guetter l’apparition de la version finale de la voiture, puis sa sortie lors de sa première course, à coup sûr cette année, mais reste à savoir quand. A priori, même Peugeot Sport ne le sait pas encore.
Didier Laurent