1812 km du Qatar : le plein, s’il vous plait !

La première manche du championnat du monde d’Endurance 2024 a été marquée par une course longue de près de 10 heures, le triplé de Porsche et la panne d’essence d’une Peugeot promise à une 2ème place jusqu’à l’avant-dernier tour. 

Quand ça ne veut pas… Depuis près de deux ans que les deux 9X8 de l’écurie Peugeot TotalEnergies sont arrivées en Endurance, les résultats ont navigué entre déception et espoir, sans véritable chance de succès. A l’occasion de cette première édition des 1812 km du Qatar le vent aurait pu tourner, car à deux tours du drapeau à damier, la 9X8 #93 pilotée par Jean-Éric Vergne était en lice pour le podium. A l’approche du drapeau à damiers le Français était aux prises avec la Porsche 963 privée du team Jota, et un tour derrière la 963 usine #6 d’André Lotterer, Kevin Estre et Laurens Vanthoor. Pour l’écurie Peugeot, si malheureuse depuis de nombreux mois l’horizon semblait enfin s’éclaircir mais le destin – ou plutôt l’équipe d’exploitation de la voiture- en ont décidé autrement.

Le coup de la panne

Lors du dernier ravitaillement, les ingénieurs calculent au plus juste le poids de carburant nécessaire pour finir la course. Mais alors que Vergne attaque l’avant dernier-tour, sa Peugeot se met à hoqueter. Plus de carburant. Il devra ralentir le rythme, et finira pas passer la ligne d’arrivée à la septième position, avant d’être disqualifié pour ne pas avoir réussi à rejoindre le parc fermé. C’est le même genre de cauchemar que celui vécu par Toyota aux 24 Heures du Mans en 2016, quand leur voiture est tombée en panne à l’entame du dernier tour alors qu’elle menait depuis des heures. Dure réalité… « Nous avons eu ce qu’on méritait » a déclaré Jean-Marc Finot, directeur de Stellantis Motorsport, à l’issue de la course. « Nous avons fait une erreur, nous en subissons les conséquences ». L’addition est tout de même salée, pour le résultat sportif, mais aussi pour le moral des troupes.

Mais avant cela, il s’est passé beaucoup de choses positives. D’abord, soulignons le bon départ et l’excellente stratégie de course des deux prototypes tricolores. Certes, l’un des deux a vite connu des ennuis et a tiré un trait sur toute chance de podium. Mais la seconde, dans le coup dès le départ et sans pépin technique, est restée aux avant-postes pendant l’intégralité de la course, ou presque…

Le pneumatique au coeur de la stratégie de course

Reléguée à plusieurs tours la 9X8 # 94 n’a toutefois pas perdu son temps. Dès la moitié de la course, elle s’est mise à jouer les voitures cobaye et à tester des solutions de choix de pneus. Car sur une course aussi longue, avec un départ de jour et une arrivée de nuit, la stratégie pneumatique est capitale. Sur le circuit de Losail, les concurrents avaient le choix entre deux gommes. Il y avait un mélange Medium, pour les températures nocturnes, et un mélange Hard, majoritairement utilisé par les concurrents.

Savoir à quel moment les voitures allaient passer de gomme Hard à Medium a été déterminant pour le classement. Car même si les deux gommes ont des fenêtres d’exploitation avec une zone de recouvrement, les pilotes peuvent gagner -ou perdre- plusieurs secondes en fonction de leurs choix. Certains ont commencé par en mettre d’abord uniquement sur le côté droit (le plus usant), puis aux quatre roues, comme la fait la Peugeot #94 à titre de test. Cela a permis d’affiner la stratégie de la voiture qui se trouvait devant, et donc d’affiner la stratégie pneus et de multiplier les relais avec les mêmes gommes.

Le mot de Michelin

« Nous sommes agréablement surpris de la longévité de nos pneus alors que la piste est neuve et abrasive, indique Pierre Alves, manager des programmes Endurance de Michelin. « Le secret était bien entendu d’être prudent en début de relais avec des pneus neufs, afin de bien les mettre à température pour ensuite en profiter plus longuement. Les pneus de course ont de la mémoire, et si leur bande de roulement est maltraitée lors de la mise en régime, elle se froisse et la dégradation est plus rapide. Lors de cette course, nous avons relevé que plusieurs équipes avaient même triplé les relais avec les mêmes pneus, ce qui représente environ 550 km. Grâce à cette science de la course, les pilotes ont économisé de précieuses secondes car ils n’ont pas eu besoin de changer les roues, ni de faire chauffer les gommes à un rythme plus lent, un exercice qui prenait deux à trois tours dans ce contexte. »

La Ferrari 499P #51

En dépit des tratégies, l’histoire retiendra que l’écurie française Peugeot TotalEnergies, sponsorisée par un pétrolier et dans un pays où le carburant est un levier économique majeur, aura manqué d’essence pour finir sa course. De quoi être sincèrement désolé pour eux, être frustré de ne pas les voir sur un podium qui semblait leur être promis et qu’ils méritaient, ne serait-ce que pour récompenser les efforts et les sacrifices de l’équipe au cours des derniers mois.

La nouvelle Peugeot 9X8 tentera de tout faire oublier

Ce week-end, c’était par ailleurs la dernière course de la 9X8 de première génération. Compte tenu des résultats de l’année passée, Peugeot a décidé de refaire une voiture sur la base de l’existence, avec des modifications en termes d’aérodynamique, au niveau du châssis et avec un autre choix de dimensions de pneumatiques.

Lors du lancement du programme, les écuries engagées avaient en effet le droit de choisir entre des pneus plus étroits à l’avant qu’à l’arrière, ou au contraire des enveloppes identiques aux quatre roues. Et alors que la FIA et l’ACO, organisateurs du championnat, ont fait évoluer le règlement sur la partie hybride de la voiture, ceux qui avaient choisi la première solution ont été confortés dans la voie empruntée, et les autres ont modifié les châssis de leurs voitures, abandonnant l’idée de quatre pneus de même largeur. Tous, sauf Peugeot, irréductible gaulois, qui a choisi de continuer seul dans cette configuration. Cette dernière a certes bien marché au Qatar, mais il s’agissait d’une piste très lisse, sans aucune bosse, qui permettait de rouler très bas. Les différences de motricité étaient donc moindres en comparaison des autres voitures. La nouvelle 9X8,, cette fois avec un (petit) aileron, sera présentée dans quelques semaines et prendra la piste officiellement à Imola, du 19 au 21 avril.

Porsche, star du week-end

Le constructeur allemand a eu bien du mal à devenir performant, et a enchainé les déconvenues depuis le début de la saison dernière, aussi bien en WEC qu’en IMSA, de l’autre côté de l’Atlantique. Mais au Qatar, les 963 ont donné une autre image de la voiture, aussi bien du côté des prototypes « usine » que de celles vendues à des écuries privées. Pilote émérite et excellent metteur au point, Frédéric Makowiecki (engagé sur la #5, arrivée 3ème) estime que l’équipe est désormais mieux préparée et que l’exploitation des voitures est plus efficace. La performance étant au rendez-vous c’est ainsi qu’on retrouve trois Porsche aux trois premières places de la course, après une domination déjà entrevue lors du prologue, mais aussi en essais et en qualifications. Porsche offre également la première victoire à une voiture LMDh au WEC, devant les prototypes LMH (Ferrari, Toyota, Peugeot)

La prochaine manche du championnat du monde d’Endurance aura lieu à Imola (Italie), pour une course de six heures, le 21 avril prochain.