Marché automobile 2023 : un succès en trompe-l’œil

Avec une progression de 16 % pour atteindre 1,77 millions d’immatriculations en 2023, on pourrait penser que le marché automobile 2023 va mieux. Il est en réalité bien malade. Voici pourquoi.

Marché automobile 2023, du mieux, mais…

Comme d’habitude, la fin d’année biaise les chiffres. Afin d’afficher des performances commerciales embellies, certaines marques prennent le parti d’immatriculer des « VD ». Il s’agit de véhicules de direction que l’on retrouve avec une remise sur le parking des concessions quelques jours plus tard. Cela permet de faire croire que des ventes ont été réalisées, alors qu’en réalité les voitures n’ont pas encore de véritable propriétaire.

Pour 2023, nous sommes donc en réalité plutôt en-dessous qu’au-dessus des 1,7 millions d’immatriculations. Rappelons qu’en 2022, le marché était à peine à 1,53 million de ventes, soit le chiffre le plus bas depuis… 1974, quand la France comptait 53,42 millions d’habitants, contre 67,8 millions en 2022. Il convient donc de considérer que les +16% affichés représentent une performance médiocre car établie sur une base très faible. En 2019, avant le Covid, la France avait immatriculé 2,2 millions de voitures, soit plus de 400 000 qu’en 2023.

Carton de la voiture électrique : oui, mais…

Avec 17 % du mix global, on voit bien que le VE progresse. Mais le nouveau bonus, en place depuis le 15 décembre et qui exclut les voitures fabriquées en Chine, a généré des immatriculations anticipées chez certains constructeurs. Ainsi, le chinois MG a par exemple immatriculé la moitié de son stock restant avec le concours des loueurs courte durée en décembre. Tesla a aussi anticipé des immatriculations pour ses voitures fabriquées en Chine et vendues en Europe.

Le +50 % de la voiture électrique observé en décembre, et plus généralement le 17 % annuel, n’est donc pas aussi beau qu’on voudrait nous le faire croire. La valeur sûre du marché Français c’est plutôt l’essence, y compris avec une hybridation. Quant au diesel, s’il passe sous la barre des 10 % du marché, ce n’est pas un manque d’envie des consommateurs, mais plutôt une conséquence de la réduction de l’offre. On fait la chasse au diesel comme on l’a porté au pinacle il y a 40 ans, mais il reste toujours une valeur sûre, surtout en occasion.

Qui achète les voitures ?

2023 a été, après une prolongation des contrats de location longue durée auprès des entreprises pendant le Covid, une année de renouvellement. En d’autres termes, beaucoup de sociétés ont changé leur flotte par obligation contractuelle plus que par véritable besoin. Un élément contextuel qui explique que les ventes à particuliers ne représentent en 2023 que 46 %.

Un chiffre qui est d’ordinaire supérieur à 50 %, et qui veut dire, aussi, que les particuliers achètent de moins en moins de voitures neuves car l’inflation les dirige vers le marché de l’occasion. Les constructeurs généralistes ont bien compris ce manque de candidat à la voiture neuve, et veulent faire l’effort de mettre à la route des modèles à un prix plus accessible. Mais qui sera en mesure de le faire rapidement, avec des investissements sans précédent dans l’électrique et une rentabilité bien plus difficile à atteindre ?

Pourquoi 2024 ne s’annonce pas forcément mieux 

Car si le début de 2023 était prometteur avec de nombreuses voitures commandées en 2022 et en attente de livraison, 2024 démarre avec des carnets de commande très maigres. Certes, les plus riches continueront d’acheter sur le compte de leur entreprise -et sous forme de loyer- des voitures très chères, mais c’est le ventre mou du catalogue qui va souffrir. Les nouveaux Peugeot E-3008 et Renault Scénic E-Tech à 50 000 € pourraient voir leur succès relativisé par cette conjoncture, alors que la demande est clairement orientée vers l’essence à hybridation légère, aussi pour des questions de coût.

Pour la première fois depuis des décennies, il semble que le premier critère d’achat d’une voiture neuve soit aujourd’hui son prix (qui a dépassé les 35 000 € en moyenne en 2023, alors qu’il était plutôt dans les 23 à 25 000 € avant la crise du Covid), alors que c’était jusqu’ici d’abord le design. Cela ne veut pas dire que les clients veulent rouler dans une voiture qui ne leur plait pas, mais qu’ils vont davantage la chercher en occasion. La prime à la nouveauté est devenue, pour beaucoup, trop élevée.

En conclusion

Pour l’emploi et pour la stabilité économique du marché automobile en France, il faudrait remonter au plus vite vers la barre des deux millions de ventes annuelles. C’était une bonne moyenne entretenue depuis près de trente ans. Mais ça, c’était avant. Dans un contexte inflationniste sans précédent, il apparait que les Français ne sont plus aussi nombreux à être en capacité d’acheter un nouveau modèle.

Pour tenter de faire un peu de volume supplémentaire, les constructeurs vont redéployer des gammes de voitures plus petites, avec des technologies moins couteuses à des tarifs plus accessibles, le plus souvent emballés dans un loyer mensuel attractif. Mais cela prendra du temps, et les futurs grand succès populaires seront d’abord portés par des modèles très attendu (type Renault 5) ou low cost avec du style, comme le futur Dacia Duster. Pour tout le reste, le retour aux (grosses) promotions pourrait être salutaire, momentanément. Car une prolongation de cette morosité de fond pourrait avoir des conséquences importantes à moyen termes.