Extreme E : Marier SUV, sport automobile et écologie

Mettre en scène des SUV électriques dans les coins les plus reculés de la planète dans le but alerter les populations sur le changement climatique et l’action de l’homme sur l’environnement : c’est l’objectif de ce nouveau championnat Extreme E qui fera beaucoup parler. 

Il y a des gens qui ne font rien comme les autres, et des championnats qui veulent casser les codes. C’est le cas d’Extreme E qui, en mixant la compétition automobile et alerte environnementale, espère générer une prise de conscience chez les fans de sport automobile, qui seraient plus nombreux que les passionnés de documentaires sur l’écologie…

Extreme E : une recette simple

La recette est assez simple, mais il fallait la conceptualiser et surtout investir lourdement pour mettre sur pieds cette ambitieuse série. Fondé par Alejandro Agag, le patron de la Formula E, Extreme E est un championnat qui se déplacera sur un… bateau. Un cargo de 105 m de long revu de fond en comble, où dormiront les teams et l’ensemble des participants (160 personnes), lorsque tout le monde sera arrivé sur place. Ce paddock flottant rejoindra en une année cinq endroits emblématiques (voir plus loin) afin que les caméras du championnat puissent rendre compte de l’état des lieux, et que des scientifiques prennent la parole sur le sujet. Pour Alejandro Agag, « le sport automobile est un formidable levier pour sensibiliser les populations. Bien sûr, notre action n’est pas neutre en carbone, mais je suis un combattant de l’inaction. Ce sera toujours mieux d’aller courir dans ces lieux qui sont déjà abimés, que de ne rien faire. »

Alejandro Agag

Des voitures de 550 ch, toutes identiques pour l’Extreme E

L’Odyssey 21, le même SUV pour tous lors deux premières saisons, ressemble à un buggy du Dakar avec ses roues de 37 pouces et sa carrosserie joufflue. Assemblée par Spark (une société de Fred Vasseur, le patron de Sauber SA qui dirige Alfa Romeo en F1) la voiture est constituée d’une structure tubulaire et pèse 1 650 kg. La puissance de ses deux moteurs électriques (un sur chaque train roulant) est d’environ 550 ch (400 kW) et les écuries pourront, dans un premier temps, personnaliser certaines pièces de carrosserie (boucliers et capot, notamment).

A ce jour, aucun constructeur n’est inscrit au championnat, mais six écuries ont déjà validé leur inscription, pour un coût d’environ 4 millions d’euros la saison. Au final, il y aura 8 voire 10 équipes engagées pour les deux premières campagnes, avant que le nombre de licences ne monte à 12, toujours avec une seule voiture par écurie (pour des questions de place sur le bateau et de préservation des lieux).

Chaque épreuve se déroulera selon plusieurs runs, appelés X-Prix, sur une piste d’environ 8 km de long parcourue à deux reprises. A l’issue des qualifications, les 4 premières voiture seront qualifiées pour une demi-finale, et les 4 dernières pour la seconde. La finale sera composée des 3 premiers de la demi-finale 1 et du 1er de la demi-finale 2. Ce format, appelé « Crazy Race » est inédit en sport automobile. Pour donner un peu plus de piment, la voiture qui réalisera le plus long saut lors de son passage sur la première bosse du tracé se verra attribuer un « hyperdrive », soit un peu plus de puissance à utiliser à n’importe quel moment de la course, par exemple pour dépasser. C’est le pendant du FanBoost, déjà utilisé en Formula E, mais qui n’est pas soumis aux votes des internautes.

Une mixité imposée

Autre nouveauté : la mixité est imposée. Il y aura donc deux pilotes par voiture, obligatoirement un homme et une femme, qui devront se relayer au volant (chacun fera un tour). Ainsi, chaque équipe pourra définir sa propre stratégie, alors que le nom du pilote qui prendra le départ sera tenu secret jusque sur la ligne de départ.

Les équipes engagées en Extreme E

Pour le moment, six écuries ont confirmé leur présence : 

-HWA (filiale de Mercedes)
-Abt (préparateur allemand également présent en DTM et en Formule E)
-Veloce Racing (créée, par le pilote Jean-Eric Vergne et l’ingénieur Adrian Newey)
-QEV, un fabricant de moteurs électriques qui engagerait Pedro de la Rosa comme team principal
-Andretti Autosport, présent en Formula E mais surtout dans des formules américaines comme l’IndyCar ou la Nascar
-Chip Ganassi Racing, également un spécialiste du sport US mais aussi engagé récemment en Endurance avec deux Ford GT.

Côté pilotes, il y aura donc 8 hommes et 8 femmes en saison 1. Certains poids lourds du secteur ont déjà manifesté leur intérêt, comme par exemple Sébastien Loeb, Sébastien Ogier du côté des garçons, ou Katherine Legge et Simona de Silvestro chez les filles.

Un comité scientifique présent sur chaque course

Chaque étape a été choisie pour un thème différent et des experts, accompagnés de leurs équipes, viendront faire un état des lieux, donner des informations et faire des relevés. Et si le réchauffement climatique sera pointé du doigt au Groenland, c’est la déforestation massive sera dénoncée au Brésil. A noter que le bateau sera lui aussi doté d’un laboratoire dans lequel travailleront des scientifiques en permanence, y compris lorsque le bateau voguera entre deux courses. Ce comité scientifique a été constitué courant avril :

-Professeur Peter Wadhams, université de Cambridge, spécialiste des poles et du changement climatique, président du comité
-Docteur Lucy Woodall, université d’Oxford, fondation Nekton, spécialiste des océans
-Docteur Francisco Oliveira, université de Cambridge, spécialiste de l’Amazonie
-Professeur Richard Washington, universités d’Oxford et de Cape Town, spécialiste des déserts et de la sécheresse.

Ainsi doté, l’original championnat Extreme E fera certainement beaucoup parler de lui. Mixer sport automobile, communication et environnement n’avait jamais été fait, il faudra maintenant que les courses tiennent leur promesse. Une obligation pour que l’ensemble reste crédible au yeux de tous !

Didier LAURENT

Photos : Shivraj GohilSpace Suit Agency

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